Commentary on Political Economy

Sunday 19 July 2020

CHINA IS POISONING THE EARTH

La Chine entend amplifier sa production de charbon

Pékin envisage d’augmenter de 21 % les capacités de ses centrales par rapport à 2019, à rebours des engagements de l’accord de Paris
PÉKIN - correspondant
Plus forte que prévu, la reprise de la croissance en Chine au deuxième trimestre va-t-elle inciter Pékin à relancer sa consommation de charbon ? Les officiels se veulent rassurants : la part du charbon dans la consommation d’énergie devrait légèrement diminuer et passer de 57,7 % en 2019 à 57,5 % en 2020, affirmait, fin juin, l’administration nationale de l’énergie. Une légère réduction qui prolongerait la tendance observée ces dernières années. Seul problème : comme la consommation d’énergie augmente, la Chine reste plus que jamais « accro » au charbon.
Même en pleine pandémie de Covid-19, la Chine a augmenté à la fois sa production de charbon (1,8 milliard de tonnes de janvier à juin, + 0,6 %) et ses importations (174 millions de tonnes, + 12,7 % au premier semestre). Depuis plusieurs semaines, des experts internationaux tirent le signal d’alarme. « La Chine envisage actuellement d’augmenter ses capacités de production des centrales au charbon à hauteur de 249,6 gigawatts [GW]. 97,8 GW sont en construction et 151,8 GW en préparation. Une augmentation de 21 % par rapport à fin 2019 (205,9 GW) », notaient, en juin, le Global Energy Monitor et le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA) dans une étude intitulée : « Un nouveau boom du charbon en Chine ». A titre de comparaison, aux Etats-Unis, les centrales au charbon ont une capacité de 246,2 GW et en Inde de 229 GW.
Tout se passe comme si, depuis 2019, les digues mises en place en 2015 et 2016, au moment de la signature de l’accord de Paris sur le climat, pour le développement du charbon, tombaient les unes après les autres, ou que les provinces, confrontées au ralentissement économique, étaient entrées en résistance passive. Le 18 juin, la puissante Commission pour le développement national et la réforme et pas moins de cinq ministères ont d’ailleurs mis les provinces en demeure de fermer les centaines de petites mines non rentables. Objectif : « réduire la production obsolète »de charbon. Et non la production globale. Au contraire, alors que l’Australie est l’un des principaux fournisseurs de charbon de la Chine, les groupes énergétiques ont reçu pour consigne d’acheter du « charbon chinois », plutôt que de se fournir auprès de l’Australie, jugée trop proche des Etats-Unis.
Chacun a remarqué que, le 22 mai, dans le discours prononcé à l’ouverture de la session du Parlement, le premier ministre, Li Keqiang, a bien davantage insisté sur l’emploi que sur l’environnement. « Le pays est à un tournant. On voit bien, depuis mai 2019, qu’il y a une tendance à relâcher les contrôles et que la priorité est à la reprise économique. Il ne faudrait pas revenir en arrière. L’économie chinoise doit monter en gamme, et la relance de l’économie doit passer par l’environnement », plaide Ma Jun, fondateur de l’Institute of Public and Environmental Affairs, un institut qui collecte chaque jour près de deux millions de données environnementales.
Lors de ses récents déplacements, le président, Xi Jinping, a certes mis l’accent sur « l’eau bleue et les montagnes vertes », parfois qualifiées de « trésors »,mais ne s’exprime quasi jamais sur le charbon. Pour tenter de concilier son développement économique avec ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, la Chine met en avant le développement de technologies moins polluantes. « La Chine est parvenue avec succès à réduire ses émissions de dioxyde de soufre produites par le charbon, en exigeant des centrales au charbon, des aciéristes et autres industries majeures, qu’ils installent des équipements de désulfurisation, et en éliminant le chauffage au charbon dans de vastes secteurs. Les réductions d’émissions sont réelles et peuvent être vérifiées par satellite », explique Lauri Myllyvirta, du CREA.

« Pollution de l’air préoccupante »

Pour l’analyste, « il faut maintenant aller plus loin dans la mise en œuvre de réglementations environnementales ». Mais, rappelle-t-il, « en raison des énormes quantités de charbon brûlées en Chine – le pays consomme la moitié du charbon mondial –, les niveaux de pollution de l’air restent préoccupants, même après la mise en place de mesures techniques ». Le défi pour le pays est donc maintenant d’accélérer la transition énergétique.
On n’en est pas là. Selon les experts du Global Energy Monitor, « les groupes de l’industrie minière et énergétique proposent au gouvernement central d’augmenter la capacité totale des centrales au charbon de 20 % à 40 %, soit entre 1 200 GW et 1 400 GW, dans le cadre du plan d’infrastructures 2035 » qui, en principe, doit être rendu public cette année.
Or, rappellent ces experts, la Chine a au contraire besoin de réduire sa production d’énergie issue de charbon « de plus de 40 % » pour que la planète ait une chance de limiter à moins de 2 °C le réchauffement. Au contraire, si la Chine continue d’augmenter sa consommation de charbon, d’ici à 2035, dans les proportions envisagées, ses émissions de gaz à effet de serre seront « plus de trois fois supérieures à la limite mondiale fixée par le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] pour garder le réchauffement sous le seuil des 2 °C », prévient le Global Energy Monitor. Les choix que doit effectuer prochainement Pékin seront donc déterminants… à condition qu’ils soient respectés.

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