Commentary on Political Economy

Wednesday 2 September 2020

XI THE PIG'S NEW REIGN OF TERROR

 

En Chine, l’omniprésent Xi Jinping fait sa rentrée sous le signe de la « pureté » et de la « loyauté »

Le président chinois Xi Jinping devant les forces de l’ordre pendant une cérémonie, au palais de l’Assemblée du peuple à Pékin, le 26 août.
Le président chinois Xi Jinping devant les forces de l’ordre pendant une cérémonie, au palais de l’Assemblée du peuple à Pékin, le 26 août. ZHANG LING / XINHUA VIA AP

Jusqu’à présent, arrivés à ce moment de leur carrière – la deuxième partie de leur second mandat –, les précédents présidents de la République populaire de Chine préparaient leur succession. Xi Jinping fait exactement l’inverse. Le président chinois, qui a mis fin en 2018 à la limite constitutionnelle des deux mandats, fait tout ce qu’il peut pour asseoir son pouvoir avant le congrès du Parti communiste chinois (PCC) de 2022 et au-delà.

Tout l’été, il a été omniprésent. Mercredi 2 septembre, l’agence de presse Chine nouvelle présente sur son site Internet les principales informations du jour sur la Chine. Toutes le mettent en valeur. Xi et le fleuve Jaune, Xi et l’enseignement de la philosophie politique, Xi et le Tibet, Xi et la coopération avec l’Indonésie, Xi et la remise d’un drapeau à la police, Xi et le Maroc, Xi et la réforme économique, Xi et l’environnement, Xi et ses attentes à l’égard des jeunes.

Le culte de la personnalité est tel que beaucoup commencent à penser que Xi Jinping pourrait, en 2022, obtenir le dernier titre qui lui fait encore défaut : celui de président du PCC, un poste disparu en 1982.

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Est-ce dans cette perspective ? Depuis début juillet, une nouvelle campagne de purges touche la police, la justice et l’appareil de sécurité d’Etat. En la présentant, le secrétaire général de la commission centrale aux affaires politiques et juridiques, Chen Yixin, a choisi un vocabulaire qui rappelle les heures sombres du maoïsme. Il s’agit « d’éduquer et de rectifier les cadres », de « gratter le poison jusqu’à l’os ».

Cet homme que l’on présente comme un des successeurs possibles de Xi Jinping a comparé cette purge à la « campagne de rectification de Yan’an », de sinistre mémoire. Menée par Mao de 1942 à 1944, cette campagne – qui porte le nom de la base communiste dans le Shaanxi d’où elle fut lancée – aurait fait plus de 10 000 morts parmi ses adversaires réels ou supposés au sein du Parti et a donné naissance au culte de sa personnalité.

La chasse aux « doubles faces »

Lancée dans quelques régions actuellement avant d’être généralisée à l’automne, la nouvelle purge a déjà fait tomber une trentaine de cadres, dont Gong Daoan, le chef de la police de Shanghaï depuis 2017, arrêté mi-août pour « violations graves de la discipline et de la loi ». Fin juin, Deng Huilin, chef de la police de Chongqing, grande ville de l’Ouest, avait connu le même sort. « Il faut mettre résolument en action la loyauté absolue, la pureté absolue, la fiabilité absolue », a résumé Zhao Kezhi, ministre de la sécurité publique. La chasse aux « doubles faces », les cadres soupçonnés de ne pas être loyaux à Xi, est ouverte. Elle doit s’achever fin mars 2022, six mois avant le 20e Congrès.

Le culte de la personnalité de Xi Jinping, sa campagne contre la corruption et surtout sa remise en cause des réformes économiques amorcées par Deng Xiaoping provoquent de nombreux ressentiments dans l’élite chinoise. Nombre de cadres d’entreprises publiques, de fonctionnaires voire de simples enseignants se sont vu retirer leur passeport. Impossible pour eux de sortir du pays pour des raisons personnelles.

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Mais hormis quelques sexagénaires, la plupart du temps exilés à l’étranger, nul n’ose protester officiellement. Surtout que Xi Jinping place partout des hommes à lui. « Avant, on analysait les nominations à la tête des provinces en fonction des différentes factions. Maintenant, on cherche à distinguer à quelle catégorie de fidèles de Xi Jinping ils appartiennent : il y a les technocrates issus du complexe militaro-industriel, il y a ceux issus du Zhejiang, où il a fait ses débuts, ceux qu’il a connus à l’université, les financiers… Tous sont à la fois compétents et proches de Xi », témoigne un diplomate.

L’autre grande affaire de l’été a été la présence de Xi Jinping sur le terrain économique. Alors que ce domaine est traditionnellement plutôt celui du premier ministre et que celui-ci, Li Keqiang, passe pour plus libéral, M. Xi a réaffirmé en août le primat des entreprises publiques et de la théorie marxiste. Mi-août, Qiushi (« la quête de la vérité »), le bimensuel du comité central du PCC, a publié un discours prononcé par le président devant le bureau politique en 2015. Il y souligne : « Le statut fondamental de la propriété publique et le rôle moteur des entreprises détenues par l’Etat ne doivent pas être altérés. »

« Le découplage des esprits »

Certes, l’économie privée joue aussi un rôle important dans le développement économique mais, pour Xi Jinping, elle est au service du pays et donc du PCC. D’où la présence, dans les instances dirigeantes des entreprises privées, d’une cellule du Parti dont le rôle est prépondérant.

Au cours de l’été, un nouveau concept économique a fait florès : celui de « circulation duale ». Celui-ci sera au cœur du 14e plan quinquennal qui va être soumis au prochain plénum du PCC, en principe durant la seconde quinzaine d’octobre. L’idée maîtresse est non pas de renoncer à la globalisation de l’économie (la première circulation) mais d’intégrer ses limites en misant davantage sur la demande interne (la deuxième circulation). C’est la réponse de Pékin au découplage des économies. C’est « la stratégie de la Chine pour établir les paramètres du divorce, non pour éviter celui-ci », résument Jude Blanchette et Andrew Polk, deux sinologues américains, dans une note du think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS).

La présentation de ce plan, quelques jours avant l’élection présidentielle américaine, prévue le 3 novembre, montre que Pékin a fait son deuil d’une relation pacifiée avec les Etats-Unis. Quel que soit l’hôte de la Maison Blanche, peu importe : la Chine est convaincue que les deux pays seront à l’avenir davantage rivaux que partenaires, et en tire les conséquences.

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Xi Jinping semble d’autant plus prêt à un rapport de force avec les Etats-Unis qu’il se dit persuadé de la supériorité du « socialisme aux caractéristiques chinoises » et que la gestion du Covid-19 a vraisemblablement renforcé la légitimité du PCC au sein de la population. La reprise en main de Hongkong par Pékin n’a d’ailleurs suscité aucune émotion particulière sur le continent, une indifférence que la censure sur les réseaux sociaux ne saurait à elle seule expliquer. Tout comme celui des économies, le « découplage des esprits » entre les Chinois et le reste du monde est aussi en marche.

Présent sur tous les fronts

Xi Jinping prend d’ailleurs soin d’apparaître proche de son peuple. Alors qu’il avait laissé Li Keqiang monter en première ligne dans la crise due au Covid-19 en début d’année, il n’a pas refait la même erreur avec la gestion des inondations qui ont ravagé le sud du pays en juin et en juillet. Sa « tournée d’inspection » dans l’Anhui, province rurale de l’Est parmi les plus touchées par les crues, les 18 et 19 août, a fait l’objet d’une couverture médiatique exceptionnelle.

De même, il est monté au créneau en plein mois d’août sur un autre thème grand public : la lutte contre le gaspillage alimentaire. Le sujet est loin d’être anecdotique : selon l’Académie des sciences chinoise, le déficit du pays en grains pourrait atteindre 130 millions de tonnes en 2025. Mais cet appel à la frugalité est aussi politique. En s’en prenant aux banquets qui font le bonheur des restaurateurs, Xi rappelle aussi à l’ordre les cadres du Parti, grands adeptes de ces agapes.

Présent sur tous les fronts, Xi ne pouvait manquer de l’être sur celui de l’éducation. A l’occasion de la rentrée, Qiushi a publié, mardi 1er septembre, un de ses articles sur l’enseignement de la « philosophie politique » qu’il faut renforcer. Les enseignants « doivent avoir de fortes convictions politiques, aimer le pays et le peuple, être de bons penseurs », selon le résumé de l’agence Chine nouvelle, mais le président appelle aussi les responsables du PCC à tous les niveaux à intervenir dans les écoles.

Pour le Parti, l’enjeu est majeur. Pékin est convaincu que c’est parce qu’ils ont été « mal éduqués » que les Hongkongais sont tentés par le « séparatisme ». Les troubles actuels en Mongolie intérieure provoqués par une sinisation accrue de l’enseignement montrent que la question est sensible.

Samedi 29 août, Xi Jinping a d’ailleurs conclu un symposium sur le Tibet – une réunion décisive qui se tient tous les cinq ans – en insistant sur « la sauvegarde de l’unité nationale » et la nécessité de « renforcer l’éducation et l’orientation parmi la population pour la mobiliser contre les activités séparatistes ». Contrairement à ce qu’affirment les discours officiels, même au sein de la Chine, la « pensée de Xi Jinping » a encore du mal à s’imposer.

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