Commentary on Political Economy

Saturday 20 March 2021

 

« Petite frappe » : quand l’ambassade de Chine à Paris s’en prend à un chercheur français

L’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, à Paris, en septembre 2019.
L’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, à Paris, en septembre 2019. MARTIN BUREAU / AFP

KILL THIS UGLY RAT!

La diplomatie des « loups combattants » s’est brutalement illustrée, vendredi 19 mars, avec un tweet de l’ambassade de Chine à Paris qualifiant de « petite frappe » Antoine Bondaz, un membre de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

M. Bondaz, très présent sur le réseau social Twitter, y est intervenu sur un sujet épineux : les pressions exercées par l’ambassadeur Lu Shaye sur le groupe d’échanges France-Taïwan du Sénat. Informé d’un prochain voyage des sénateurs sur l’île, le diplomate chinois a adressé, mi-février, une lettre de mise en garde à Alain Richard, président du groupe. Le Quai d’Orsay a répliqué que les parlementaires français étaient libres d’aller là où ils le voulaient.

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La FRS a lancé, en janvier, un nouveau programme, « Taïwan sur la sécurité et la diplomatie », dirigé par M. Bondaz, spécialiste reconnu de la Chine. Le chercheur a été informé par quelques amis de la prise à partie, car son compte Twitter est bloqué depuis un an par l’ambassadeur Lu Shaye. Celui-ci se distingue depuis des mois par des propos très éloignés du langage de la diplomatie. Il avait été convoqué, le 14 avril 2020, par le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour avoir insulté sur son site les soignants des Ehpad, accusés d’avoir « abandonné leurs postes du jour au lendemain (…), laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie ».

« Pas acceptable »

C’est la première fois que la représentation chinoise agresse nommément un chercheur français. « Petite frappe est une insulte assez “soft”, et plutôt contre-productive, estime M. Bondaz. Elle est un moyen, à travers moi, d’attaquer les positions françaises. Et l’ambassadeur ne s’adresse pas aux Français, mais directement à Pékin. » Depuis que Paris s’est exprimé plus fermement sur l’internement de masse des Ouïgours dans le Xinjiang (nord-ouest de la Chine), le climat s’est tendu.

Le chercheur a reçu de nombreux soutiens parmi ses pairs. « Un mot venu du cœur tient chaud durant trois hivers », a ironisé sur Twitter le directeur adjoint de la FRS, Bruno Tertrais, en citant un proverbe chinois. Le directeur général du Forum pour la paix de Paris, Justin Vaïsse, a jugé que l’expression « petite frappe » – « small-time hoodlum », a-t-il traduit en anglais – n’était tout simplement « pas acceptable ».

Au-delà, certains ont réclamé une nouvelle convocation de M. Lu. Raphaël Glucksmann, député socialiste au Parlement européen et militant de la cause ouïgoure, s’est dit partisan d’« avoir la nuque raide ». « Si nos dirigeants ont un peu de dignité et de sens de l’Etat », plaide-t-il, il faut « une grosse explication de texte ». Même demande de François-Xavier Bellamy, député européen du PPE : « Cher Jean-Yves Le Drian, ne laissez pas passer cela, ce serait lâche et dangereux », a-t-il tweeté. « Rarement a-t-on vu des diplomates faire autant de tort à l’image de leur pays. Brutale, grossière, voilà la Chine que vous montrez », a pour sa part tweeté Nathalie Loiseau, députée européenne et ancienne ministre d’Emmanuel Macron.

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