Commentary on Political Economy

Wednesday 7 April 2021

 THE NEW YORK TIMES IS A THREAT TO THE FREEDOM AND VALUES OF HUMANITY.  ITS EDITORS MUST BE PUNISHED AND DISCOMFITED RUTHLESSLY AND DECISIVELY.

Une du New York Times sur l’Unef: quand un monument de la presse internationale devient l’organe de propagande de la gauche identitaire

FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que l’Unef représente moins de 2 % du corps électoral étudiant, le New York Times a publié un article sur le syndicat intitulé «L’Unef à l’avant-garde des mutations françaises». Selon Sami Biasoni, il s’agit d’un procédé qui vise à imposer dans la société française l’idéologie multiculturaliste qui prospère outre-Atlantique.

Par Sami Biasoni
Mis à jour 
«Déjà le 14 juillet dernier, fort de son sens aigu de l’à-propos, le New York Times publiait un article célébrant le «réveil racial en France».» Syuji Honda/blvdone - stock.adobe.com

Sami Biasoni est doctorant en philosophie à l’École normale supérieure, membre de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires, co-auteur (avec A.-S. Nogaret) de l’essai «Français malgré eux».

Le Sénat a récemment adopté un amendement dit «Unef» visant à permettre la dissolution d’associations qui interdiraient «à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion», autrement dit qui organiseraient des événements en «non-mixité» pour reprendre l’euphémisme technique usuellement employé par leurs promoteurs. Cette initiative politique - qui a su trouver de nombreux soutiens auprès de parlementaires de tous bords - s’inscrit dans le cadre du projet de loi sur les «séparatismes» et vise à réaffirmer le principe d’universalité sur la base duquel s’établit notre contrat social républicain. Elle survient après la vague d’indignation suscitée par la prise de position pour le moins ambiguë d’Audrey Pulvar concédant que ceux que l’on considèrerait comme indésirables à ces occasions, sur la seule base de leur couleur de peau, pourraient peut-être y assister sous réserve qu’ils se taisent. Elle fait en outre écho aux prises de position antérieures du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, pour qui «les gens qui se prétendent progressistes et qui, se prétendant progressistes, distinguent les gens en fonction de la couleur de leur peau, nous mènent vers des choses qui ressemblent au fascisme».

On se souvient que le 14 juillet dernier, fort de son sens aigu de l’à-propos, le New York Times publiait un article célébrant le «réveil racial en France», livrant à cette occasion un vibrant panégyrique des figures médiatiques hexagonales émergentes de la cause racialiste, et conspuant une cécité volontaire vis-à-vis de la carnation dont notre pays peut encore malgré tout se targuer. Trois mois plus tard, le même journal ne manquait pas de titrer que la police avait «tiré sur un homme» dans la rue alors que la polémique portant sur les «violences policières» faisait rage, avant de réaliser qu’il s’agissait du terroriste coupable de l’assassinat monstrueux de Samuel Paty. Aujourd’hui, c’est à l’Unef de recevoir les honneurs des colonnes du quotidien progressiste américain, pour se trouver «à l’avant-garde des mutations françaises».

Il suffit d’analyser la manière dont le New York Times traite des protagonistes de son sujet pour saisir les enjeux de l’aporie racialiste : tous sont réduits à leurs identités visibles ou revendiquées, qui de couleur de peau, qui d’origine, qui de sexualité.

S’il est vrai que l’article ne manque pas de mentionner certains des menus soubresauts de l’activité publique du syndicat, c’est avec toute la circonspection d’un journalisme soucieux de ménager son engagement laudatif ultérieur, et d’une écriture blanche que Roland Barthes lui-même aurait pu citer en exemple. En quelques mois, il faut pourtant se souvenir que l’Unef a pris part aux opérations de blocage ayant abouti à l’annulation des Suppliantes à la Sorbonne ou qu’après avoir longtemps revendiqué son héritage féministe et laïc il prône aujourd’hui le voile comme symbole de libération politique et s’associe volontiers à certains syndicats religieux lors d’élections universitaires. Il convient également de rappeler que certains de sus responsables n’ont pas hésité à qualifier les réactions compassionnelles de la nation à l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris de «délire de petits blancs», où que telle section locale est allée jusqu’à livrer les noms de deux professeurs suspectés d’«islamophobie» sur les murs de leur université. Dans l’un et l’autre cas, certes, le syndicat national a fini par se désolidariser, mais il aura fallu que la désapprobation générale - y compris dans ses propres rangs - l’y contraigne.

Les «mutations» dont il est question ne sont pas françaises, et la défiance d’une grande partie de l’opinion n’est pas une manifestation de crainte face au progrès ; c’est encore moins le signe d’un conservatisme rétrograde face à une histoire en train de se faire. Contrairement à ce qu’affirme Mélanie Luce, présidente de l’Unef, la France n’a pas «peur parce qu’[ils] représentent l’avenir»: ce dernier n’est en effet pas donné, et c’est bien à la communauté nationale d’en décider souverainement, paisiblement et démocratiquement. La question des discriminations est une autre chose trop grave pour lui apporter les réponses stéréotypées et clivantes qui n’ont fait qu’attiser les haines outre-Atlantique. Le fait que des discriminations subsistent au sein du corps social ne saurait suffire à invalider le projet humaniste de la nation qui l’héberge ; au contraire, ce projet devrait s’en trouver renforcé et soutenu de toutes parts. Il suffit d’analyser la manière dont le New York Times traite des protagonistes de son sujet pour saisir les enjeux de l’aporie racialiste: tous sont réduits à leurs identités visibles ou revendiquées, qui de couleur de peau, qui d’origine, qui de sexualité. En guise de corollaire, chacun devrait se comporter conformément à son assignation identitaire: c’est ainsi qu’il est sous-entendu que Bruno Julliard, bien que «premier président de l’Unef ouvertement homosexuel» juge personnellement gênants «les réunions non-mixtes et le blocage de la pièce d’Eschyle», mais qu’il n’exprime là que le point de vue d’une personne non concernée puisque non issue de l’immigration. Tel est en effet le fonctionnement systématique de la matrice idéologique décolonialiste et racialiste dont le monde anglo-saxon a tant de mal à se défaire mais qui voudrait irriguer aujourd’hui l’ensemble de la civilisation occidentale.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la démocratie américaine cible les « minorités », en vue de s’assurer le soutien « des cœurs et des esprits ».

La stratégie de soft power déployée à grande échelle par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ne sert plus seulement à asseoir la domination du modèle capitaliste, elle vise à exporter le trouble d’un multiculturalisme identitariste fondamentalement conflictuel, au détriment du modèle certes exigeant mais infiniment plus juste d’un universalisme ouvert à la différence de l’autre et à l’indifférence de chacun. Pour ce faire, depuis les attentats du 11 septembre 2001, la démocratie américaine cible les «minorités», en vue de s’assurer le soutien «des cœurs et des esprits». La réaction concertée de figures militantes éminentes de la pensée racialiste outre-Atlantique (dont Angela Davis, Homi Bhabha ou encore Gayatri Chakravorty Spivak) publiée par L’Obs en opposition à la défiance gouvernementale à l’encontre de certaines dérives universitaires atteste de l’extension territoriale du domaine de luttes politiques autrefois essentiellement nationales.

Beaud et Noiriel ont récemment rappelé l’évidence selon laquelle l’appartenance sociale reste «le facteur déterminant autour duquel s’arriment les autres dimensions de l’identité des personnes». Toutefois, comme le Parti démocrate américain, comme une portion de la gauche historique de notre pays, l’Unef a délaissé les luttes sociales visant une équité des destins au profit d’une focalisation autour des questions de discriminations visibles, abandonnant le pathologique pour le symptomatique. Et en la matière, le soft power américain de naguère semble avoir radicalement cédé le pas à un interventionnisme culturel et politique qui ne se cache guère plus.

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