Commentary on Political Economy

Monday 7 February 2022

 

En Chine, le totalitarisme numérique au quotidien

La logique de surveillance globale accompagne systématiquement les mutations de la société chinoise en s’appuyant sur la technologie

LCP-ASSEMBLÉE NATIONALEMARDI 8 - 20 H 30DOCUMENTAIRE

Installé à Pékin depuis 2007, le journaliste français Sébastien Le Belzic vit avec Lulu, son épouse chinoise, cadre dynamique et parlant très bien français, dans un appartement du nord de la ville. Dès qu’ils sortent sur le palier, une caméra les fixe. Dans les rues, d’autres caméras, disséminées partout. Installées à partir du début des années 2000, elles permettent de surveiller chaque déplacement. Dans les vingt villes du monde comptant le plus de caméras, dix-huit sont chinoises. Nice, ville française la plus surveillée, compte une caméra pour cent trente habitants. A Shanghaï, c’est une caméra pour neuf habitants…

Mais dans une société totalitaire qui a fait de la surveillance de son immense population une marque de fabrique, les caméras ne sont qu’un outil secondaire par rapport aux applications numériques installées dans les centaines de millions de smartphones des citoyens chinois. Les géants de la tech ont mis au point des systèmes avec QR codes permettant la reconnaissance faciale et des systèmes de notation pour chaque geste de la vie quotidienne.

Système de crédit social

La vie de Lulu et de ses compatriotes est ainsi jugée par cette technologie qui permet au régime, en mélangeant toutes les données, de dresser le portrait numérique de chaque citoyen. La logique de surveillance globale accompagne ainsi systématiquement les mutations de la société chinoise en s’appuyant sur les progrès de la technologie. Jusqu’au début des années 2010 en Chine, il fallait pratiquement tout payer en liquide. Désormais, le cash a disparu, tout est dans le smartphone. Utile pour les utilisateurs… et pour le régime, qui peut analyser les comportements du quotidien.

Les habitudes d’achat sont notées avec un redoutable système dit de crédit social, instauré par les autorités en 2014. Un système de points qui récompense ou sanctionne les citoyens selon leurs comportements : acheter une nourriture saine donne des points, boire du soda vous en enlève par exemple. Plus le citoyen a de points, plus le voilà libre de réserver tel voyage, d’être accueilli dans tel hôtel, de se faire soigner dans tel hôpital.

Un modèle de société régi par les normes, les scores et cet inquiétant crédit social ? Rares sont les citoyens chinois à lutter contre cette emprise du big data sur leurs vies privées. Lulu, filmée dans son quotidien durant un an par son mari, semble plutôt amusée par le fait d’accumuler des points, smartphone en main. Son angoisse ? Descendre en dessous des 350 points et devenir une citoyenne de seconde zone, privée de certains droits. Mais plus le temps passe, plus la réalité inquiétante de cette surveillance lui saute aux yeux : « Ils sont en train de nous manger le cerveau. De nous former comme des robots ! »,lance-t-elle.

Ma femme a du crédit, de Sébastien Le Belzic (Fr., 2021, 52 min).

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