Commentary on Political Economy

Wednesday 9 February 2022

 Yue Zongxian, ouvrier de 44 ans contaminé par le Covid-19, illustre le sort des travailleurs précaires en Chine

Un travailleur migrant transportant du carton recyclable, à Pékin, le 20 janvier 2022.

Un travailleur migrant transportant du carton recyclable, à Pékin, le 20 janvier 2022. EFE/EPA/WU HONG

Le 19 janvier, le centre de contrôle et de prévention des maladies de Pékin tenait sa 269e conférence de presse depuis le début de l’épidémie de Covid-19. La ville a rendu public un cas positif découvert la veille et dont le responsable du district allait détailler le parcours, comme le veut la procédure habituelle. Mais la description des allées et venues de Yue Zongxian allait durer plus longtemps que prévu : pendant les quinze jours précédant son test positif, cet ouvrier de 44 ans avait travaillé dans 28 endroits différents, entre cuisines de restaurants, chantiers de rénovation et collecte d’ordures.


Privilège abonnés

Pour mieux souligner les inégalités profondes qui marquent la société chinoise contemporaine, certains ont mis en parallèle son parcours avec celui d’une jeune femme, elle aussi testée positive quelques jours auparavant, mais dont les allées et venues au restaurant, dans des centres commerciaux chics, des bijouteries, un magasin Dior et une station de ski, traduisaient un tout autre quotidien.


De son côté, Yue Zongxian gagnait péniblement 1 yuan (0,14 euro) par sac de 50 kilos de ciment transporté de nuit. Après quatre ou cinq heures de sommeil, il repartait travailler dès midi pour subvenir aux besoins de sa famille, restée au Shandong : deux parents âgés et handicapés, son fils cadet de 12 ans et son épouse, qui gagne une centaine de yuans les jours où elle peut travailler.


Classe laborieuse

Les réactions des internautes sur Weibo, qui soutiennent largement le père de famille, révèlent à la fois de l’empathie et de la ­surprise : comme souvent, certains membres de la classe moyenne supérieure urbanisée semblent découvrir les conditions de vie de la classe laborieuse chinoise qui leur livre leurs repas ou construit leurs immeubles.


En mai 2020, le premier ministre, Li Keqiang, avait surpris en affirmant que 600 millions

de Chinois vivaient avec moins de 1 000 yuans (environ 140 euros) par mois. En réponse à cette préoccupation, l’été dernier, le président Xi Jinping, a lancé le slogan de la « prospérité commune » pour tenter de remédier aux excès du capitalisme chinois, qui crée une société de plus en plus inégalitaire, dans un pays où, en outre, la croissance ne cesse de ralentir.


Face à l’émoi suscité par le cas de Yue Zongxian, la police de Rongcheng a réagi dans un communiqué en affirmant que le corps de son fils avait été retrouvé dans un cours d’eau deux semaines après sa ­disparition et identifié par analyse ADN, une conclusion que n’avaient jamais acceptée Yue Zongxian et son épouse.


Le père avance que les autorités avaient d’abord affirmé que le cadavre retrouvé n’était pas celui de son fils, avant de changer de version quand il a commencé à insister pour demander une enquête sérieuse et alors qu’il n’avait jamais vu les résultats du moindre test ADN. Suite à cette affaire, de nombreux citoyens chinois ont proposé des dons à Yue Zongxian, qu’il a systématiquement ­refusés.


Simon Leplâtre(Shanghaï, correspondance)

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