Commentary on Political Economy

Wednesday 9 March 2022

 

Comment des volontaires internationaux font route vers l’Ukraine pour participer à la résistance contre Moscou

Dimanche 6 mars, le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, a affirmé que plus de 20 000 personnes originaires de 52 pays s’étaient déjà manifestées à cette fin auprès des autorités ukrainiennes.

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Publié aujourd’hui à 10h38, mis à jour à 11h08 

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Des combattants étrangers venus du Royaume-Uni s’apprêtent à partir pour la ligne de front dans l’est de l’Ukraine la gare principale de Lviv, le 5 mars 2022.

Le mouvement de solidarité internationale déclenché par l’invasion russe de l’Ukraine ne se traduit pas seulement par des rassemblements populaires ponctuels dans les grandes capitales. Moins nombreux que les manifestants mobilisés contre l’offensive russe, des volontaires internationaux font route vers l’Ukraine pour prendre les armes à l’appel de Kiev et participer à la résistance contre l’agression de Moscou. Dimanche 6 mars, le ministre des affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, a affirmé que plus de 20 000 personnes originaires de 52 pays s’étaient déjà manifestées à cette fin auprès des autorités ukrainiennes. La création d’une « légion internationale pour la défense de l’Ukraine » visant à accueillir des étrangers prêts à mettre leur expérience militaire au service de ce pays avait déjà été annoncée par Kiev aux premiers jours du conflit. Elle est désormais en train de prendre forme.

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« Le monde entier est aujourd’hui du côté de l’Ukraine, pas seulement en paroles mais aussi en actes », a ainsi déclaré dimanche M. Kuleba, sans pour autant préciser le nombre de volontaires déjà pris en charge par les autorités. A la veille de ces annonces, un site Internet avait été lancé par le ministère des affaires étrangères pour mettre à disposition des candidats les coordonnées de 67 représentations diplomatiques ukrainiennes à travers le monde où des attachés militaires doivent les assister. Sur le terrain, la légion pour l’Ukraine doit être intégrée à la défense territoriale, une branche des forces armées ukrainiennes créée après l’invasion russe. Dans le sillage de ces appels officiels, des titres de presse du monde entier ont fait état d’engagements, sans que l’on sache ce que pourront valoir sur le terrain ces bonnes volontés affichées.

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L’Asahi Shimbun de Tokyo annonçait ainsi, le 2 mars, que 70 personnes dont une majorité d’anciens membres des forces d’autodéfense japonaises avait répondu à l’appel. Une centaine de volontaires ont également été annoncés en Corée du Sud, selon la chaîne de télévision KBS World. Des cas ont aussi été recensés en Thaïlande, où des militants du mouvement prodémocratie qui a tenu tête, lors des manifestations de 2020, au gouvernement de l’ex-général putschiste Prayuth Chan-ocha ont pris attache avec l’ambassade ukrainienne pour là aussi « s’opposer à la tyrannie », selon les mots de l’activiste Chanaphong « Ball » Phongpai.

Si la plupart se présentent comme des combattants confirmés, d’autres passent pour des idéalistes soucieux de trouver une cause

Si l’intérêt de volontaires asiatiques pour le conflit ukrainien est une nouveauté, les départs en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord, plus attendus, restent aussi plus importants. Le 1er mars, le Times de Londres faisait état du départ pour l’Ukraine de plus de 150 anciens parachutistes ayant servi en Afghanistan. Des individus et des petits groupes en provenance des Etats-Unis et du Canada, d’Espagne, de France porteurs d’expériences militaires diverses ont également annoncé être en route pour l’Ukraine depuis les appels répétés de Kiev. Si la plupart se présentent comme des combattants confirmés, notamment des Américains ayant connu l’épreuve du feu au cours des guerres menées par Washington depuis 2001, d’autres passent pour des idéalistes soucieux de trouver une cause, une aventure ou de s’oublier dans une guerre lointaine.

Démonstration mondiale de solidarité armée

A ce stade toutefois, ces annonces, sincères, nombreuses et venues de pays aussi divers présentent surtout l’avantage d’étayer la communication de Kiev face à une agression russe qui a suscité une révulsion globale. Tandis que Moscou prétend poursuivre un objectif de « dénazification » de l’Ukraine, cette démonstration mondiale de solidarité armée permet aux autorités ukrainiennes de raviver le souvenir des Brigades internationales engagées contre les nationalistes du général Franco lors de la guerre civile espagnole, symbole de la lutte contre le fascisme et l’autoritarisme de droite au XXe siècle.

Gagner la bataille du récit est d’autant plus important pour Kiev, qu’après 2014 c’est essentiellement au sein des milieux d’extrême droite européens et nord-américains qu’étaient recrutés les volontaires étrangers engagés sur les champs de bataille de l’est du pays, aussi bien du côté ukrainien que des séparatistes prorusses du Donbass. Selon les travaux du chercheur Arkadiusz Legiec du Polish Institute of International Affairs (PISM), ils étaient jusqu’en 2019 moins de 2 500, sans compter les volontaires bien plus nombreux venus de Russie. L’Ukraine passait alors, tous camps confondus, comme la plaque tournante et le camp d’entraînement de l’extrême droite globale.

Un cadre légal strict censé empêcher les dérives

Ces groupes de volontaires marqués à l’extrême droite avaient même pu échapper au contrôle effectif de Kiev, ouvrant une zone grise où des militants étrangers pouvaient s’engouffrer. Toutefois, selon la chercheuse Polina Beliakova, du Center for Strategic Studies de l’université américaine Tufts (Massachusetts), « des changements majeurs [au sein des forces armées ukrainiennes] ont permis au gouvernement ukrainien d’accroître son contrôle sur les forces qui se battent en son nom. » Depuis le début de l’attaque russe, le 24 février, le recrutement de volontaires étrangers s’opère d’ailleurs dans un cadre légal strict censé empêcher de telles dérives.

Au-delà des démonstrations de bonne volonté venues de destination lointaine, Kiev peut compter sur le soutien plus significatif encore de combattants engagés dans un combat politique contre l’influence Moscou dans leurs pays d’origine. C’est notamment le cas de la Légion géorgienne, déployée en Ukraine depuis 2014, qui attire des volontaires venus de cette ancienne république soviétique partiellement occupée par la Russie depuis 2008.

De manière encore plus notable, Kiev accueille aussi sur son territoire des volontaires biélorusses issus de l’opposition au dictateur Alexandre Loukachenko, devenu le supplétif du président russe, Vladimir Poutine, dans la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine. D’après les témoignages que Le Monde a pu recueillir, plusieurs unités sont en cours de formation. Elles regroupent des exilés biélorusses installés avant la guerre sur le territoire ukrainien ou bien venus d’autres pays comme la Pologne, où ils s’étaient réfugiés en raison de la répression politique sévissant dans leur pays.

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Enfin, la Lettonie, ancienne république soviétique, membre de l’Union européenne et de l’OTAN, dont les autorités se considèrent comme directement menacées par les menées de Moscou dans son ancienne zone d’influence, a donné un signal fort en faveur de mobilisations de cette nature. Le 28 février, le Parlement de Riga a voté à l’unanimité pour autoriser tous ses citoyens à s’engager militairement au côté de Kiev. Mardi, le député letton conservateur Juris Jurass, ancien policier anticorruption, est même allé plus loin en annonçant depuis l’Ukraine son engagement dans la légion internationale mise sur pied par l’Ukraine.

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