Commentary on Political Economy

Tuesday, 1 March 2022

 

Guerre en Ukraine : l’opinion finlandaise bascule en faveur d’une adhésion à l’OTAN

Selon un sondage, l’offensive russe en Ukraine semble avoir convaincu une majorité de Finlandais de rejoindre l’Alliance atlantique. Mais la question divise toujours de nombreux partis.

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Publié aujourd’hui à 03h36, mis à jour à 05h31 

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Manifestation de soutien au peuple ukrainien à Helsinki, en Finlande, le 26 février 2022.

Cela aurait été impensable il y a encore quelques semaines. Lundi 28 février, un sondage réalisé pour la chaîne publique Yle, entre les 23 et 25 février, au début de l’offensive russe en Ukraine, a révélé le basculement de l’opinion publique finlandaise. Pour la première fois, une majorité des personnes interrogées ont déclaré être favorables à l’adhésion du pays de 5,5 millions d’habitants à l’Alliance atlantique, contre 28 % mi-janvier.

Trois jours plus tôt, le 26 février, une initiative citoyenne en faveur de l’organisation d’un référendum sur l’entrée de la Finlande dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a rassemblé, en cinq jours seulement, les 50 000 signatures nécessaires à son examen au Parlement. Pour ses initiateurs, rejoindre l’alliance « renforcerait considérablement la crédibilité de la défense finlandaise » et rendrait toute action par une puissance étrangère « beaucoup plus coûteuse et risquée qu’elle ne l’est aujourd’hui ».

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C’est dans ce contexte que la première ministre sociale-démocrate, Sanna Marin, a réuni au Parlement, mardi 1er mars, les leaders de toutes les formations pour discuter de la politique de sécurité et du débat montant sur l’OTAN. Une question qui divise de nombreux partis. La réunion s’est d’ailleurs déroulée à huis clos. A la sortie, la plupart des dirigeants ont estimé que l’organisation d’un référendum, dans la situation actuelle, n’était pas la meilleure solution.

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Sanna Marin a mentionné, pour sa part, « l’option OTAN », inscrite dans le programme de sa coalition comme de toutes les précédentes depuis les années 1990. « Cela signifie que la Finlande peut changer d’opinion sur l’adhésion à l’OTAN, si l’environnement sécuritaire change drastiquement. Cela s’est maintenant produit. Mais la question doit être traitée avec soin, nous ne basons pas nos décisions sur un sondage », a-t-elle indiqué.

Une coopération renforcée avec l’Alliance atlantique

La veille, le président, Sauli Niinistö, avait mis en garde sur le plateau d’Yle : « Il faut se souvenir que c’est facile d’avoir le sentiment qu’une adhésion à l’OTAN garantira une sécurité complète. (…) Mais nous devons aussi penser aux contre-mesures. » Vendredi, la porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Maria Zakharova, avait affirmé qu’une adhésion de la Finlande et de la Suède « aurait de graves conséquences militaires et politiques, qui obligeraient [la Russie] à prendre des mesures de rétorsion ».

A Helsinki, le ministre des affaires étrangères, Pekka Haavisto, a rappelé que ces déclarations n’étaient « pas nouvelles » et ne constituaient pas en soi une « menace militaire ». Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a tenu des propos similaires dans le passé, de même que le président, Vladimir Poutine, lors d’une visite en Finlande, en juillet 2016. Ce qui a changé, par contre, remarquait mardi le professeur Mika Aaltola, directeur de l’Institut des affaires internationales (FIIA) à Helsinki, c’est le contexte : « La relation avec la Russie s’est effondrée. Beaucoup de ce sur quoi la politique de stabilité finlandaise s’est construite a disparu. Il est temps de penser aux fondations. »

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Dans les faits, la Finlande comme la Suède ont beau être officiellement non alignées militairement, les deux pays, membres de l’Union européenne, entretiennent une coopération renforcée avec l’Alliance atlantique. « Nous n’avons pas été neutres depuis la fin de la guerre froide, quand nous avons choisi notre camp », précise l’ancien premier ministre Alexander Stubb. Même la décision de livrer des armes à l’Ukraine, qualifiée d’« historique » par la cheffe du gouvernement, « n’est qu’une continuation de ce que nous avons fait jusque-là », assure M. Stubb, qui rappelle qu’Helsinki « a envoyé des troupes en Afghanistan et participé à la plupart des opérations miliaires européennes ».

Les Finlandais, cependant, semblent vouloir aller plus loin. Et si le sondage publié lundi est le premier à montrer un soutien pour l’adhésion à l’OTAN, Charly Salonius-Pasternak, chercheur à l’Institut des affaires internationales, est convaincu que quelques jours plus tard « l’opinion favorable aurait été encore plus importante ». Car, dit-il, ce ne sont pas les menaces de Moscou qui ont influencé les Finlandais, mais « les actions de la Russie contre l’Ukraine ».

« Nous entrons en territoire inconnu »

Les Finlandais, explique ce spécialiste des questions de sécurité, « ont réalisé, d’une part, que si on fournissait des armes aux Ukrainiens, personne n’allait venir combattre avec eux ; et, d’autre part, que l’importance de l’OTAN est la dissuasion : si vous en faites partie, personne ne vous attaquera ». Pour M. Salonius-Pasternak, le retournement de l’opinion publique est donc avant tout « pragmatique ». Il reste cependant difficile d’en mesurer les conséquences immédiates : « Si la dynamique politique a changé, nous entrons désormais en territoire inconnu », observe-t-il.

Constatant lui aussi le « glissement colossal » qui s’est produit entre décembre 2021 et février, Alexander Stubb, partisan depuis longtemps d’une adhésion, appelle à la prudence : « Il va y avoir une fenêtre d’opportunité pour rejoindre l’OTAN, mais quand le niveau des émotions est aussi élevé, ce n’est probablement pas le meilleur moment. » Désormais professeur à l’Institut universitaire européen à Florence, il constate que « toute action appellera une réaction » et qu’avant d’avancer, il va falloir examiner dans le moindre détail « ce que Poutine pourrait faire ».

Mardi, la rédactrice en chef du quotidien Hufvudstadsbladet, Erja Yläjärvi, résumait dans un éditorial : « Il n’y a pas de solutions faciles pour la Finlande, parce que nous ne pouvons pas influencer la façon de penser de Poutine. Nous ne savons pas jusqu’où il est prêt à aller, à quel point il est stable mentalement ou quelle est l’ampleur de ses projets. »

En Suède, où les évènements de ces derniers jours ont provoqué « un tremblement de terre pour la politique de sécurité », selon une diplomate à Stockholm, l’opinion publique est aussi en train d’évoluer, même s’il ne se dessine pas encore de majorité en faveur d’une adhésion.

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