Commentary on Political Economy

Saturday 5 March 2022

 Kiev, le 24/02/2022

Les soldats ukrainiens présents sur l’avenue de la Victoire expliquent que les camions brûlés et les victimes appartiennent à un commando russe, portant des uniformes ukrainiens, qui aurait tenté d’avancer vers le centre de Kiev et aurait été stoppé par leurs forces.

Photo Laurent Van der Stockt pour Le Monde

LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE »

Guerre en Ukraine : « Nostalgique d’une époque où la gauche savait se battre », un père de famille a rejoint la légion internationale de Kiev

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Publié aujourd’hui à 06h14, mis à jour à 22h34

Il a décidé de partir à la guerre un dimanche. Trois jours après l’attaque russe de l’Ukraine, il a annoncé son départ à sa femme. Florent Coury est devenu, au terme de deux jours de voyage en avion, en train puis en autobus, le premier Français intégré dans la légion internationale créée par Kiev pour combattre l’armée de Moscou.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait appelé, le 27 février, « les citoyens du monde amis de l’Ukraine, de la paix et de la démocratie » à « rejoindre la résistance aux occupants russes » et à intégrer une unité spéciale. « Ce n’est pas seulement une invasion de l’Ukraine par la Russie, c’est le début d’une guerre contre l’Europe, contre la démocratie, contre les droits humains élémentaires, contre l’Etat de droit et la coexistence pacifique », a lancé M. Zelensky. Le ministre des affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a ajouté qu’« ensemble, nous avons vaincu Hitler, et nous allons vaincre Poutine ». Pour Kiev, la légion internationale est un mouvement de résistance antifasciste.

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Le commandant Mamuka Mamulashvili n’a pas attendu 2022 pour s’engager dans la guerre. Marqué par l’agression russe de 2008 contre son pays, la Géorgie, il a rejoint les Ukrainiens en 2014 dans le conflit du Donbass opposant Kiev aux séparatistes ukrainiens prorusses et à la Russie. « Le président géorgien d’alors, Mikheïl Saakachvili, avait prévenu que si Poutine n’était pas stoppé en Géorgie, l’Ukraine serait le suivant. C’est exactement ce qu’il s’est passé, raconte-t-il. Alors, depuis huit ans, je combats en Ukraine pour défendre la démocratie contre la tyrannie. »

Camions brûlés appartenant, d’après les soldats ukrainiens, à un commando russe, le 24 février 2022, à Kiev, en Ukraine.

Le volontaire caucasien commande désormais une unité appelée « légion géorgienne ». Son expérience militaire fait que Kiev lui a demandé de l’aider à créer la nouvelle brigade de volontaires. « La légion internationale, créée par Zelensky, va être constituée sur la base de la légion géorgienne », confirme-t-il. L’officier accepte de témoigner et de mettre Le Monde en contact avec des combattants, à la condition de ne pas révéler où ils se trouvent. Beaucoup de ses hommes sont déjà déployés sur les fronts, tandis que les nouveaux arrivants reçoivent, dans un lieu tenu secret, une formation militaire.

Marié et père de trois enfants

Florent Coury, qui avoue que ses instructeurs en sont à lui apprendre « à distinguer le bout du fusil de la crosse », n’est pas le volontaire typique que l’on rencontre sur les terrains de guerre. Diplômé de Sciences Po Paris, marié et père de trois enfants, résidant à Bruxelles, cet homme de 39 ans sans passé militaire était jusqu’à récemment cadre chez Renault, à la direction des ressources humaines de l’usine de Flins (Yvelines). « J’appartiens à une gauche républicaine et sociale », raconte-t-il. Il est adhérent au Printemps républicain, le mouvement cofondé par Laurent Bouvet, se dit engagé à la fois contre l’extrême droite et contre l’islamisme politique, et s’affirme « macroniste ».

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« Nostalgique d’une époque où la gauche savait se battre », citant les Brigades internationales de la guerre d’Espagne et la Résistance durant la seconde guerre mondiale, Florent Coury n’a pas de mots assez durs pour fustiger « les traîtres de la gauche pro-Poutine, comme Mélenchon », et « l’extrême droite », ainsi que, plus généralement, « ceux qui pensent que combattre, c’est forcément mal ».

Après avoir été tenté, il y a quelques années, de rejoindre les forces kurdes syriennes pour lutter contre l’organisation Etat islamique, la déclaration de guerre de Moscou contre l’Ukraine l’a décidé à franchir le pas de l’engagement armé. « L’Ukraine est un pays qui a énormément changé depuis son indépendance, et qui incarne à mes yeux la cause des pays libres. »

Florent Coury sait qu’il pourrait côtoyer, au sein de cette légion internationale, des volontaires qui ne sont « pas forcément de la même crèche ». Il sympathise ces jours-ci avec « un gamin anglais d’extrême gauche » et s’attend aussi à voir débarquer des hommes engagés à l’extrême droite. Si l’engagé volontaire français est prêt à combattre sur le front ukrainien avec « tous ceux qui défendent la liberté », il s’imagine déjà revenir en France pour défendre ses idées. Il aimerait se présenter en juin aux législatives, pour défendre à la fois le Printemps républicain et Emmanuel Macron, « un excellent président »« Je veux aller taper sur le Rassemblement national et sur La France insoumise, afin de défendre la démocratie et qu’on ne finisse pas comme les Russes ou les Chinois. »

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