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Saturday 3 September 2022

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Ouïgours : le trop tardif réveil des Nations Unies


Le temps mis par la haut-commissaire aux droits humains, Michelle Bachelet, à publier le rapport de l’ONU sur la répression dans la région du Xinjiang montre l’emprise qu’exerce la Chine sur les institutions internationales censées défendre les droits fondamentaux.


Publié hier à 10h58

C’est à treize minutes du terme de son mandat, juste avant minuit mercredi 31 août, que la haut-commissaire aux droits humains, Michelle Bachelet, a finalement publié le rapport de l’ONU sur la situation dans la région du Xinjiang. Le texte est un constat sans appel sur la répression menée par Pékin à l’encontre des Ouïgours et d’autres minorités musulmanes, envoyés massivement vers des camps d’internement à partir de 2017.


Les témoignages recueillis par les chercheurs onusiens font état de traitements « qui peuvent aller à la torture ». Les récits de violences sexuelles, notamment à l’encontre des femmes, sont jugés « crédibles ». L’ONU conclut que l’étendue de ce système de détention arbitraire, et le contexte général de privation des droits dans cette région de l’extrême ouest chinois « pourraient constituer des crimes internationaux et en particulier des crimes contre l’humanité ». Cette dernière formule, sous le sceau de la légitimité onusienne, est accablante pour la Chine, qui voudrait se présenter en grande puissance responsable.


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En publiant ce rapport, l’ex-présidente chilienne a tenté de sauver l’image de ses quatre années à la tête de l’organe de défense des droits humains. Mais le temps mis à rendre ce texte public restera également dans les esprits, témoignage de l’emprise croissante de régimes répressifs sur les institutions internationales.


Les experts de l’ONU avaient remis le rapport à Mme Bachelet un an plus tôt et il attendait depuis sur son bureau. Sa faute a été de se laisser entraîner dans le marchandage des autorités chinoises, sur un sujet qui ne peut souffrir aucune compromission. Pékin lui faisait miroiter un voyage au Xinjiang, où elle demandait l’accès de longue date. Pour ne pas froisser le pouvoir chinois, pourtant auteur des crimes dénoncés, et augmenter les chances de voir le déplacement se concrétiser, le rapport n’a pas été publié en amont. Or, il ne faisait aucun doute que le séjour sur place, qui a eu lieu en mai 2022, l’exposerait essentiellement à la mise en scène du pouvoir chinois. Une visite Potemkine, tandis que le rapport laissé en attente était une enquête objective et fouillée sur une situation dramatique.


Faible espace

En quittant son poste, la haut-commissaire a explicité la logique qui l’a poussée dans cette voie : « Nous devons tout faire pour éviter une grande fracture et maintenir un système universel. » C’est la même logique, s’interdire la rupture avec une Chine incontournable par son poids démographique et économique, et par sa capacité à entraîner le vote de pays en développement qu’elle soutient financièrement, qui guide le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans sa relation avec Pékin. Et ce même si, lors de la décennie écoulée depuis l’installation de Xi Jinping à la tête de l’Etat-parti, la répression n’a fait que se renforcer. Sa reconduction lors du 20e congrès du Parti communiste chinois, qui s’ouvrira le 16 octobre, réaffirmera son emprise sur le pays.


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Pour la Chine, il y a une défaite dans la révélation du rapport de l’ONU, mais une victoire d’être parvenue à jouer la montre aussi longtemps. D’ailleurs, si les pays occidentaux ont salué ce rendu, si tardif soit-il, la plupart des grands pays musulmans se sont gardés de se faire la voix de la minorité ouïgoure face à un partenaire commercial majeur. Cette publication in extremis, salutaire pour le bureau onusien des droits humains, montre le peu d’espace restant désormais pour le combat pour les droits les plus fondamentaux dans les institutions créées pour les préserver.


Le Monde

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