Commentary on Political Economy

Saturday 15 October 2022

Atteintes à la laïcité : un devoir de vigilance et de protection

ÉDITORIAL

Le Monde


Si l’établissement scolaire reste le premier lieu où doivent se régler les contentieux liés à des manifestations d’affirmation religieuse, les personnels de l’éducation nationale confrontés à ces situations doivent être soutenus par l’Etat. Un appui qui avait manqué à Samuel Paty, cet enseignant tué il y a deux ans.


Publié hier à 11h45 Temps deLecture 2 min.



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Deux ans après l’immense traumatisme qu’a constitué, le 16 octobre 2020, l’assassinat de Samuel Paty pour le pays tout entier, et pour le monde enseignant en particulier, la question de la laïcité à l’école, principe cardinal du vivre-ensemble dans la République, ne cesse de nourrir un débat public qui porte notamment sur les leçons tirées de la tragédie de Conflans-Sainte-Honorine.


Confirmée au Monde par le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, la recrudescence des atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires – refus de certains enseignements, port de signes, ou de tenues, religieux – remet en lumière deux grandes exigences réactivées par le drame : la nécessité de la vigilance et de la transparence sur ces comportements et leur ampleur, et le soutien et la protection sans faille que l’Etat doit apporter aux personnels de l’éducation nationale confrontés à ces situations. Un appui qui avait manqué à Samuel Paty.


Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les atteintes à la laïcité sont en hausse dans les établissements scolaires

De fait, la « mouvance islamiste » tente de remettre « en cause le principe de la laïcité à l’école », en s’appuyant sur les réseaux sociaux pour encourager le port de vêtements marquant une appartenance religieuse, a averti en septembre le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.


Des collégiennes et lycéennes reprennent les éléments de langage portés par des influenceuses qui, sur TikTok, diffusent des vidéos encourageant le port du voile en classe, appelant à « ruser » en transformant un foulard en turban ou à mettre des abayas, ces robes longues de tradition moyen-orientales portées par-dessus d’autres vêtements. Visionnés des millions de fois, ces clips incitent les élèves à remettre en cause la loi de 2004 qui interdit, dans les écoles, les collèges et les lycées publics, « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ».


Lire l’entretien : Article réservé à nos abonnés Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale : « Il y a bel et bien une vague de port de tenues pouvant être considérées comme religieuses »

Dans ce contexte, il est plutôt réconfortant d’entendre le ministre Pap Ndiaye reprendre, sur un ton plus ouvert que celui de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, une ligne claire : assumer la réalité d’un phénomène longtemps minimisé, rejeter toute naïveté, mettre en œuvre une politique d’aide aux enseignants et affirmer la force des principes républicains.


Alors que des chefs d’établissement réclament des règles plus précises, M. Ndiaye a raison de rappeler que la rédaction de la loi de 2004 permet d’interdire, au-delà des croix, des foulards et des kippas, les signes religieux « par destination » et permet donc de gérer les situations nouvelles.


Toute la difficulté est que, si l’établissement scolaire reste le premier lieu où doivent se régler, dans le strict respect de la loi et dans le dialogue, les contentieux liés à des manifestations d’affirmation religieuse, voire de prosélytisme, la clé de certains de ces conflits ne se trouve pas seulement entre les murs des collèges et des lycées puisqu’ils sont suscités, voire attisés, sur les réseaux sociaux. Face à cette réalité, aucun enseignant, aucun chef d’établissement ne doit être laissé seul.


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Plus largement, il faut rappeler inlassablement que la laïcité est un vieux principe de liberté et de cohabitation pacifique de toutes les confessions et de toutes les formes de non-croyance, et non une arme antimusulmane. Lutter contre les manifestations d’intolérance ou de communautarisme suppose de rendre plus crédible la devise républicaine en faisant progresser, à tous les échelons de l’éducation nationale, la mixité sociale et l’égalité des chances.


Le Monde

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