Commentary on Political Economy

Tuesday 22 November 2022

STOP RUSSIA TODAY!

En 2005, la Russie a créé la chaîne de télévision anglophone Russia Today (RT), qui faisait partie de sa liste officielle d’organisations d’importance stratégique. En 2015, ce fut le tour du site francophone RT France, puis, en 2017, celui de la chaîne de télévision en français. Le président Macron, fraîchement élu, a accusé RT et Sputnik d’avoir diffusé des « fake news » et de la propagande contre lui pendant la campagne présidentielle. Dès janvier 2018, il a proposé de réviser la législation sur les médias afin de mieux combattre les « fake news » en ligne : « J’ai décidé que nous allions faire évoluer notre dispositif juridique pour protéger la vie démocratique de ces fausses nouvelles. »


Pourtant, RT n’a cessé de gagner du terrain. En 2022, elle est la troisième chaîne mondiale derrière CNN et la BBC par sa zone de couverture. Selon SimilarWeb, qui fournit des chiffres d’audience, le site Rt.com totalisait en mars plus de 200 millions de visiteurs, devant Al-Jazira, la Deutsche Welle, France 24 et Euronews.


Or, l’existence même de la propagande télévisée russe dépend de technologies occidentales. C’est en effet le français Eutelsat qui couvre le territoire de la Fédération de Russie. Détenu à 22 % par le gouvernement français, il est le premier opérateur de satellites au monde par son chiffre d’affaires. Même les sanctions sans précédent prises en 2022 n’ont pas mis un terme à sa coopération avec les Russes. Ce puissant opérateur de satellites continue de diffuser des chaînes de propagande russes.


Propagande et désinformation

Eutelsat coopère notamment avec deux grandes plates-formes de télévision payantes russes qui font activement de la propagande, Tricolor TV et NTV-Plus. Celles-ci lui versent chaque année des dizaines de millions d’euros pour être diffusées. Au total, pour ces deux plates-formes, Eutelsat relaie environ 330 chaînes de télévision qui touchent près de quinze millions de foyers russes et plusieurs millions de téléspectateurs en Europe.


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Eutelstat diffuse en outre treize chaînes d’information russes, notamment, au sein du groupe RT, la chaîne arabophone RT Arabic destinée à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ainsi que BelRos (la chaîne de l’Union de la Russie et de la Biélorussie à l’orientation prorusse « impérialiste »), la chaîne militariste Zvezda des forces armées russes, laquelle pratique ouvertement la propagande et la désinformation, et plus de trente chaînes russes régionales.


Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’opérateur Eutelsat coupe la diffusion d’une quatrième chaîne de télévision russe, sur demande de l’Arcom

Alors que YouTube, TikTok, Facebook et Instagram se sont engagés à retirer RT et Sputnik de leurs plates-formes dans l’Union européenne (UE), la Russie continue d’y opérer à travers d’autres comptes. Les vidéos de RT, par exemple, ont simplement été transférées sur une nouvelle chaîne YouTube qui n’est pas touchée par les sanctions.


« Information Ramstein »

Dans les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, RT et consorts continuent de diffuser tranquillement leurs contenus. Des contenus qui, malheureusement, sont très appréciés dans ces parties du globe.


Si l’UE est parvenue à mettre un terme à sa coopération avec la Russie dans le domaine spatial, elle n’a toujours pas interdit la fourniture de services satellitaires aux chaînes de propagande russes, pas même lors de son huitième paquet de sanctions.


Pour empêcher la machine à propagande russe de gagner cette guerre de l’information, pour l’empêcher d’étendre davantage son influence sur la vie de tous les pays de la planète, le monde civilisé doit cesser de se battre uniquement avec des recommandations et des dispositifs de surveillance. Il doit prendre des mesures actives. Et il doit le faire de manière coordonnée.


Nous proposons donc une nouvelle forme de partenariat : « Information Ramstein » [du nom de la base aérienne américaine située en Allemagne, où s’est créé un groupe de contact pour coordonner les efforts des alliés dans la guerre en Ukraine]. Il est extrêmement important d’organiser une rencontre des pays alliés de l’Ukraine dans un avenir très proche afin de définir nos principaux objectifs stratégiques, mais aussi d’élaborer des projets de contre-propagande, diverses mesures tactiques, les bases de la communication entre tous les participants et un mécanisme de coordination stable de nos efforts communs pour contrer la propagande du Kremlin.


Information Ramstein doit devenir une grande plate-forme servant à discuter des défis des temps de guerre et à mettre en place un front uni d’informations des pays alliés. Bien sûr, un tel processus, pour être stable et efficace, a besoin d’un leader, d’une locomotive.


La France, leader de la sécurité de l’information européenne

En ces temps de guerre, la question d’un véritable partenariat se pose avec acuité. Les dirigeants français comprennent clairement ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. Ils comprennent que l’avenir du monde démocratique dépend bel et bien de la victoire ukrainienne.


« Notre soutien (tardif) à la candidature de l’Ukraine à l’UE et notre durcissement face au Kremlin vont dans le bon sens », écrivait un groupe de chercheurs et d’analystes français dans une tribune publiée le 31 octobre dans Le Monde.


La France soutient fermement l’Ukraine, en particulier sur le front culturel. Fin août, à Paris, j’ai rencontré mon homologue française, la ministre de la culture, Rima Abdul-Malak. Nous avons parlé de l’aide à l’Ukraine, notamment de la préservation de l’héritage culturel, du soutien aux artistes et aux professionnels du monde des médias ukrainiens qui sont restés travailler dans leur pays pendant la guerre. Notre discussion, très franche, a visé des objectifs précis.


Le soir du 30 octobre, en réaction aux accusations russes selon lesquelles le Royaume-Uni aurait participé au sabotage des gazoducs Nord Stream, le ministère français des affaires étrangères a fait une déclaration claire : ces accusations font partie de la stratégie de Moscou « pour détourner l’attention de la responsabilité exclusive qui est la sienne dans la guerre d’agression qu’elle mène contre l’Ukraine ».


La France a promis de travailler avec ses partenaires pour s’assurer que ces mensonges n’atteindront pas leur but, et rappeler à l’agresseur russe qu’il ne pourra se soustraire à sa responsabilité face aux crimes qu’il commet en Ukraine.


La France, première puissance militaire d’Europe continentale, doit endosser un rôle de leader dans de nombreux processus en Europe. Et même si elle ne fait pas encore partie des principaux fournisseurs d’aide militaire à l’Ukraine, elle peut d’ores et déjà se positionner comme force motrice du renforcement de la sécurité de l’information en Europe et dans le monde en prenant la tête de ce mouvement.


Traduit de l’anglais par Valentine Morizot


Oleksandr Tkachenko est le ministre ukrainien de la culture et de la politique de l’information.


Oleksandr Tkachenko(Ministre ukrainien)

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