Commentary on Political Economy

Thursday 13 April 2023

Des dirigeants européens critiquent l’expression « malheureuse » d’Emmanuel Macron sur les Etats-Unis

Assumant pleinement des propos controversés sur Taïwan rendus publics dimanche, Emmanuel Macron a déclaré mercredi, depuis Amsterdam, qu’« être allié ne signifie pas être vassal ».


Le Monde avec AFP

Publié aujourd’hui à 16h14, modifié à 20h53 

Temps deLecture 3 min.


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Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki à Washington, jeudi 13 avril. OLIVIER DOULIERY / AFP

Le voyage du président Emmanuel Macron à Pékin devait démontrer l’unité européenne face à la Chine et convaincre le président Xi Jinping d’aider à freiner l’agression russe de l’Ukraine, mais il aura surtout agacé les alliés de la France. Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a déploré jeudi 13 avril l’attitude « à courte vue » des Européens sur la Chine, dans une claire allusion à la visite d’Emmanuel Macron.


« Ils se tournent, avec une vision à courte vue, vers la Chine afin de pouvoir vendre des produits européens au prix d’un énorme coût géopolitique, augmentant notre dépendance vis-à-vis de la Chine plutôt que de la réduire », a-t-il affirmé lors d’un discours à Washington. « Vous ne pouvez pas protéger l’Ukraine aujourd’hui et demain en disant que Taïwan n’est pas votre affaire », a-t-il ajouté devant le centre de recherche Atlantic Council, paraphrasant le président français sans toutefois le nommer. « Je crois, Dieu nous en préserve, que si l’Ukraine tombe, si l’Ukraine est conquise, le jour d’après la Chine pourrait attaquer – peut attaquer – Taïwan », a-t-il dit.


Le dirigeant polonais a également raillé le concept d’autonomie stratégique des Européens, là encore dans une allusion aux déclarations de M. Macron. « L’autonomie européenne, ça fait chic n’est-ce pas ? Mais cela veut dire changer le centre de gravité européen vers la Chine et rompre les liens avec les Etats-Unis », a-t-il affirmé. « Je n’arrive pas trop à comprendre le concept d’autonomie stratégique si cela veut dire, de facto, se tirer une balle dans le pied », a-t-il dit, parlant d’une « erreur dramatique ».


L’expression jugée « malheureuse » en Allemagne

Le président français a suscité une vague d’incompréhension aux Etats-Unis et en Europe en appelant l’Union européenne à ne pas être « suiviste » de Washington ou de Pékin sur la question de Taïwan. « La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes » sur la question de Taïwan « et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise », a-t-il dit dans une interview au site américain Politico et au quotidien économique français Les Echos parue dimanche.


Mercredi, M. Macron a répété qu’« être allié (des Etats-Unis) ne signifie pas être vassal ». « C’est pas parce qu’on est allié (…) qu’on n’a plus le droit de penser tout seul », avait-il ajouté lors d’une conférence de presse à Amsterdam. Une nouvelle phrase que le ministre de la défense allemand, Boris Pistorius, en visite au Mali, a jugée « malheureuse ». « Nous n’avons jamais été en danger d’être ou de devenir un vassal des Etats-Unis », a commenté M. Pistorius.


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« Nous devons à l’avenir être capables de parler en tant qu’Union européenne sur le plan de la politique étrangère, et aussi sur le plan de la politique de sécurité » a ajouté M. Pistorius, membre du parti social-démocrate (SPD). Pour autant « trouver des positions propres en accord avec (…) les Etats-Unis, c’est notre devoir », a-t-il dit. « Cela ne nous aide pas de nous diviser ou de nous laisser diviser sur des positions différentes. A la fin, cela aide seulement la politique étrangère chinoise », a conclu Boris Pistorius. Ce proche du chancelier Olaf Scholz est le premier membre du gouvernement allemand à s’exprimer publiquement sur les propos du chef de l’Etat français qui ont semé le trouble parmi les alliés de la France.


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Dans son sillage, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, a assuré jeudi que les Etats européens étaient unis dans leur politique vis-à-vis de Pékin. « Nous n’avons pas seulement une position commune, mais quand on partage un marché commun, on ne peut pas avoir des positions différentes vis-à-vis du plus grand partenaire commercial de l’UE », a déclaré Mme Baerbock lors d’un point presse à Tianjin, où la ministre est arrivée jeudi pour son premier déplacement en Chine.


L’Union européenne en désaccord

Le ministre des affaires étrangères lituanien, Gabrielius Landsbergis, s’est montré particulièrement cinglant. « Je propose que nous reconnaissions les avantages et la nécessité de l’unité transatlantique [au lieu de] mendier auprès des dictateurs qu’ils aident à assurer la paix en Europe », a-t-il réagi sur Twitter. Les pays d’Europe de l’Est sont traditionnellement attachés à une relation étroite avec Washington qu’ils considèrent comme leur principale garantie de sécurité face à la menace russe. Le premier ministre Mark Rutte s’est abstenu de critiquer son invité mais il a souligné que les États-Unis étaient « indispensables » et que « sans leur soutien, il aurait été inconcevable que l’Ukraine puisse résister » à la Russie.


À Bruxelles, on regrette que les commentaires de M. Macron aient éclipsé les efforts de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour coordonner la position de l’UE à l’égard de la Chine. Avant d’accompagner M. Macron lors de sa visite à Pékin, Mme von der Leyen avait prononcé un discours bien accueilli sur la nécessité pour l’UE de « réduire les risques » créés par sa dépendance envers la Chine, sans pour autant se « découpler » de son énorme marché.


Le président du Conseil européen, Charles Michel, a semblé, lui, venir au secours du président français. « Il y a un grand attachement pour l’alliance avec les Etats-Unis et Emmanuel Macron n’a rien dit d’autre », a-t-il souligné. « Mais est-ce que cette alliance supposerait qu’on suive aveuglément systématiquement la position des Etats-Unis sur tous les sujets ? Non », a-t-il martelé.

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