Commentary on Political Economy

Friday 29 December 2023

COWARDLY EUROPEANS WILL FIGHT RUSSIAN BARBARIANS UNTIL THE LAST DROP OF UKRAINIAN BLOOD

 

« C’est en prenant une plus grande part à la défense de l’Ukraine que l’Europe peut se protéger des effets d’un retour de Trump »

Deux spectres hantent l’Europe. Celui d’une possible défaite de l’Ukraine face à la Russie et celui d’un retour éventuel de Donald Trump à la Maison Blanche. Cette seconde menace contribuerait beaucoup à la réalisation de la première. Dans le meilleur des scénarios (le pire étant une défaite à court terme), le conflit en Ukraine peut encore se prolonger pendant des années. La Russie, certes affaiblie par les sanctions occidentales, a réorganisé son économie pour la mettre sur le pied de guerre. Les Européens en sont toujours à jouer avec l’idée d’une économie de guerre, mais tardent à passer aux actes. C’est ainsi que le programme européen de 2 milliards d’euros pour livrer en un an un million d’obus et de missiles à Kiev n’a été que partiellement réalisé, à hauteur d’environ 30 %, a indiqué en novembre le ministre allemand de la défense, Boris Pistorius.

Trump de nouveau à la Maison Blanche, n’est-ce pas cependant le déclic qui provoquerait un réflexe de survie chez les Européens, l’avènement, sous la contrainte des événements, de l’autonomie stratégique tant souhaitée par la France macronienne ? On aurait tort de le penser. La réaction, chez beaucoup de partenaires, serait de chercher un accord bilatéral avec Washington pour sauvegarder leurs intérêts de sécurité nationaux. Ce serait en particulier le cas en Europe centrale et orientale, dans les capitales qui ressentent le plus directement le poids des ambitions néo-impériales de la Russie de Vladimir Poutine. L’OTAN s’en trouverait au mieux dévitalisée, l’Union européenne (UE) par contrecoup fragilisée.

Comment se prémunir d’un tel scénario ? C’est en prenant dès maintenant une part plus importante à la défense de l’Ukraine que l’Europe peut le mieux se protéger des effets d’un retour éventuel de Trump ; et d’ailleurs d’une lassitude américaine probable même en cas de nouvelle administration Biden. Il est déjà exact que le soutien européen global à l’Ukraine dépasse celui de l’Amérique, mais ce n’est pas le cas sur le plan militaire.

Associer le Royaume-Uni

L’idée d’un fonds européen consacré au soutien à l’armement de l’Ukraine a déjà été évoquée par diverses personnalités, par exemple dans les colonnes du Monde par la députée européenne Horizons Nathalie Loiseau et le député Renaissance Benjamin Haddad. Un moyen efficace d’avancer serait de se mettre d’accord sur un grand emprunt sur le modèle de celui décidé à la suite de l’épidémie de Covid-19 d’un montant de 385 milliards d’euros. Cet emprunt pourrait être à hauteur d’au moins 100 milliards d’euros.

Son objectif serait de doper l’industrie de défense européenne autant que de soutenir l’Ukraine. Accessoirement, une telle initiative pourrait éviter d’avoir à négocier, sommet européen après sommet européen, avec une Hongrie toujours encline à faire de l’obstruction, comme on l’a encore vu les 14 et 15 décembre sur un paquet de 50 millions d’euros sur quatre ans.

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Ne serait-il pas souhaitable d’associer le Royaume-Uni à ce projet ? Cela paraîtrait préférable, par exemple dans le cadre de la Communauté politique européenne, dont la prochaine édition doit justement se tenir à Londres début 2024. Il reste que l’intérêt européen serait que la guerre en Ukraine prenne fin, non seulement sur un recul de la Russie, mais aussi à un horizon rapproché. Il faut donc aider l’Ukraine dans la durée, mais il importe aussi de mettre celle-ci en position de poursuivre une stratégie capable de faire céder Moscou.

A cette fin, un axe important serait de fournir aux Ukrainiens les armes leur permettant d’exercer une pression militaire forte sur la Crimée. C’est de la péninsule que proviennent une bonne partie des attaques russes sur les infrastructures ukrainiennes. De surcroît, compte tenu de la valeur symbolique que revêt aux yeux de Vladimir Poutine sa conquête de la presqu’île, une menace sérieuse sur celle-ci serait de nature à l’obliger à négocier. Il s’agit peut-être même du seul levier dont disposent l’Ukraine et ses soutiens pour le convaincre d’entrer dans une négociation dans de bonnes conditions pour Kiev. A deux reprises, les Ukrainiens ont été en mesure d’endommager le pont de Kertch, qui relie la Crimée au continent. Les Russes ont pu le remettre en état rapidement. Les experts considèrent que couper pour de bon le trafic sera très difficile.

Stratégie offensive

Ce ne serait pas impossible si les Ukrainiens disposaient des systèmes d’armes appropriés. On cite en général les missiles Taurus, dont les Allemands refusent le transfert, ainsi que les missiles américains ATACMS, à condition qu’ils emportent des charges lourdes et non des munitions de petit calibre. Les Storm Shadow et les Scalp, fabriqués par la firme franco-britannique MBDA, ont des caractéristiques comparables. Le Royaume-Uni et la France en ont déjà transféré à l’Ukraine. Il en faudrait beaucoup plus pour exercer une pression forte sur la Crimée.

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Une stratégie offensive de l’Ukraine sur la Crimée ne provoquerait-elle pas une escalade de la part de la Russie ? Cela ne s’est pas produit jusqu’ici, alors qu’avec des moyens limités les forces ukrainiennes ont marqué des points importants en mer Noire. Mais, surtout, il faut enfin prendre conscience que si l’on s’installe – comme certains le souhaitent – dans une stratégie défensive, nous laissons aux Russes tout le loisir de développer leur propre stratégie offensive, caractérisée notamment par la destruction des infrastructures ukrainiennes. Et nous les incitons à miser sur ce phénomène inéluctable que plus le temps passera, plus l’Occident révisera à la baisse à la fois ses objectifs et son soutien à l’Ukraine.

Michel Duclos est ancien ambassadeur, conseiller spécial géopolitique et diplomatie à l’Institut Montaigne. Il a dirigé l’ouvrage Guerre en Ukraine et nouvel ordre du monde (L’Observatoire, 338 pages, 24 euros).

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