Commentary on Political Economy

Wednesday 27 December 2023


Le double jeu dangereux de la Serbie

Le président serbe, Aleksandar Vucic, victorieux, le 17 décembre, d’un scrutin entaché d’irrégularités graves, refuse de soutenir les sanctions contre la Russie et n’a pas abandonné l’ambition de remettre la main sur le Kosovo, au risque d’éloigner la perspective d’une intégration de son pays dans l’Union européenne.

Publié hier à 11h00, modifié hier à 12h29 Temps de Lecture 2 min. Read in English

Loin des champs de bataille d’Ukraine, un autre front de la guerre russe se déploie dans les Balkans, où Moscou tente d’exploiter les tensions nationalistes contre l’aspiration des pays de la région à rejoindre l’Union européenne (UE). La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, vient ainsi de comparer les manifestations en Serbie, qui dénoncent la fraude électorale présumée lors du scrutin du 17 décembre, à celles de la place Maïdan, à Kiev, en 2014, ayant abouti à l’arrivée au pouvoir en Ukraine de dirigeants pro-occidentaux.

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Depuis la proclamation des résultats de ces élections législatives anticipées, des centaines de manifestants bravent chaque jour les forces de l’ordre pour protester contre les irrégularités constatées. Alors que les résultats officiels donnent la victoire, avec 46,72 % des voix, au Parti progressiste serbe, la formation nationaliste du président Aleksandar Vucic, ils n’ont attribué que 23,58 % à la coalition pro-européenne Serbie contre la violence, dont sept responsables observent une grève de la faim.

Les observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, du Parlement européen et du Conseil de l’Europe ont dénoncé des irrégularités graves, notamment « des achats de voix » et « des bourrages d’urnes ». Mais le président serbe assure que ces élections « ont été les plus honnêtes (…) de l’histoire récente de la Serbie » et accuse « des Etats étrangers puissants » de chercher à « déstabiliser le pays ».

Opération commando au Kosovo

Ce climat délétère reflète la stratégie de la tension entretenue par M. Vucic, confirmant les doutes croissants sur l’orientation européenne de la Serbie. Au pouvoir depuis près de dix ans, le président affiche son admiration pour l’ex-dictateur Slobodan Milosevic, mort avant la fin de son procès pour crimes contre l’humanité et génocide.

Aleksandar Vucic n’a pas abandonné l’ambition de remettre la main sur le Kosovo, dont il n’a jamais accepté l’indépendance proclamée en 2008, comme semble l’indiquer l’opération commando serbe avortée en septembre dans ce pays. Enfin, le président serbe, bien que candidat à l’adhésion à l’UE, dont il perçoit des fonds, refuse de s’aligner sur les sanctions européennes contre la Russie et a cessé de mettre en œuvre les réformes exigées par l’Union.

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Les Européens ont longtemps cru que les liens commerciaux de la Serbie avec l’UE, ainsi que le développement économique du pays, finiraient par l’emporter sur la rhétorique nationaliste de M. Vucic. Ils ont désormais tout lieu d’observer avec circonspection son double jeu. En particulier la France, très attachée à l’ambition d’arrimer les Balkans, et donc la Serbie, à l’Union. Le dilemme est tout sauf simple, car plus la perspective d’une entrée de la Serbie dans l’UE semble s’éloigner, plus la Russie et la Chine en profitent pour y avancer leurs pions.

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Mais l’exemple de la Hongrie de Viktor Orban, qui entend s’avancer en cheval de Troie de la Russie dans l’UE, doit inciter les Etats membres à exiger le respect drastique et irréversible des critères de l’Etat de droit afin d’éviter qu’un jour Belgrade ne reprenne la même tactique. Les Européens savent, par leur histoire, que les risques de dérapage dans les Balkans peuvent avoir des conséquences désastreuses, bien au-delà de la région. Dans le contexte de tension exacerbé par l’agression russe en Ukraine, leur vigilance s’impose sur les dérives du président serbe.

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