Commentary on Political Economy

Thursday 28 March 2024

 We have repeatedly highlighted in this Blog the pernicious threat that capitalist globalisation poses to the liberal nation-State through the ability of capital - the mobility and fungibility of money-capital - to move rapidly from national jurisdictions so as to set one against the others and so blackmail individual governments into agreeing to favourable terms and to subtract itself to just duties and punishments. The article below discusses and stresses the need to remedy this capitalist blackmail gainst democratic constituencies through "competition" for investments.


"Le travail reste à faire pour les milliardaires et les multinationales"

Ce sujet, fondamental pour Alexandra Roulet, ex-conseillère économique d’Emmanuel Macron, ne peut se traiter qu’à l’échelle mondiale

Propos Recueillis Par Elsa Conesa

ENTRETIEN

Professeure d’économie à l’Institut européen d’administration des affaires et ancienne conseillère économique d’Emmanuel Macron, Alexandra Roulet revient sur la situation des finances publiques et sur l’opportunité de relever les impôts.

Une partie de la majorité entend remettre en cause le tabou des hausses d’impôt, compte tenu de l’état des finances publiques. Est-ce que la situation l’impose ?

La situation des finances publiques est clairement un sujet majeur, mais il ne faut pas céder à la fébrilité. Notre dette demeure attractive sur les marchés, même si les taux augmentent. Nous devons réfléchir à des solutions de moyen terme qui soient crédibles sans être drastiques, à la fois du côté des dépenses et du côté des recettes. La France ne doit pas s’interdire de réfléchir au sujet des impôts, mais les augmenter me semble une mauvaise idée, car cela viendrait annuler le gain politique et économique obtenu par le gouvernement en tenant cette ligne rouge en dépit des pressions permanentes depuis 2017. On peut se poser autrement la question des recettes.

A quoi pensez-vous ?

On peut, par exemple, surseoir aux baisses d’impôt futures, comme celle promise pour les classes moyennes, qui n’est pas indispensable. Le sujet plus fondamental, pour moi, est celui de l’imposition des multinationales et des milliardaires à l’échelle internationale, et, derrière, la question de la capacité des Etats à prélever des recettes sur des assiettes de plus en plus mobiles. Tous les pays sont concernés : le taux moyen de l’impôt sur les sociétés au niveau mondial était de 40 % dans les années 1980, il est de 20 % aujourd’hui.

En contrepartie, les taux de TVA, qui touchent tout le monde, y compris les classes moyennes, ont augmenté partout. Les profits des multinationales comme le patrimoine des ultrariches sont très mobiles, et alimentent une concurrence fiscale qui érode la capacité des Etats à les taxer. Le volet concernant les grands groupes a été en partie traité par l’impôt minimal sur les sociétés. Mais le travail reste à faire pour les milliardaires et ne peut se traiter qu’à l’échelle mondiale, même si cela prendra du temps. Une partie de leurs dividendes sont logés dans des sociétés-écrans pour échapper à l’impôt. Certains milliardaires réclament eux-mêmes des mesures ! Attention à ne pas surestimer le rendement de ce type de dispositif, qui ne résoudrait pas notre sujet des finances publiques. Les montants semblent astronomiques – on parle de 40 milliards d’euros pour l’Europe –, mais ceux qui sont récupérés pays par pays sont, in fine, très inférieurs. Ils seraient, j’imagine, plus proches de 5 à 10 milliards d’euros pour la France. La TVA, en comparaison, c’est 200 milliards !

L’Etat a aidé massivement, et uniformément, les acteurs économiques pendant les deux crises. Un « impôt de guerre », par exemple sur les profits exceptionnels, peut-il se justifier ?

Je comprends que l’on pose cette question, mais il y a un vrai gain à la stabilité fiscale, et beaucoup d’obstacles : lorsqu’on a voulu taxer les énergéticiens, on s’est aperçu de la difficulté à capter les profits liés aux hydrocarbures, qui ne sont pas nécessairement localisés en France. Nous devons nous préparer à agir de façon plus ciblée lors des prochaines crises. Pendant la pandémie de Covid-19, l’Etat, en France comme aux Etats-Unis, a protégé tout le monde parce qu’il fallait faire vite. Mais la probabilité d’un nouveau choc énergétique n’est pas nulle, et il faut imaginer des solutions techniques pour aider en priorité ceux qui en ont le plus besoin.

Etes-vous hostile à l’idée d’un prélèvement de type impôt de solidarité sur la fortune pour financer les investissements en faveur du climat ?

Ce serait, là aussi, un reniement. Je suis réservée sur le fait de taxer les 10 % les plus aisés, comme le suggère le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz [sur le financement de la transition écologique, rendu en mai 2023], car ces 10 % sont déjà ceux qui contribuent le plus. Le sujet se pose davantage pour les 0,1 % ou 0,01 % les plus riches, dont le taux effectif d’imposition est très faible, même si l’assiette serait trop petite face aux enjeux à financer. J’espérais surtout que les règles budgétaires européennes excluent une partie des investissements climatiques des calculs de déficit, pour les sanctuariser. Ce n’est pas la voie qui a été choisie.

Mais comment faire pour financer ce mur d’investissement ?

La question reste ouverte. Il faudra sans doute redéployer des crédits pris ailleurs, ce qui veut dire que les investissements se feront plus lentement. Les Etats-Unis ont choisi, avec l’Inflation Reduction Act, subventions et crédits d’impôt pour attirer les investissements en faveur du climat. C’est une bonne chose dans l’absolu, mais cela ouvre une nouvelle concurrence fiscale entre Etats et, dans cette course, les Etats-Unis ont un avantage considérable avec le dollar, qui les dispense de la contrainte budgétaire à laquelle nous faisons face. Les nouvelles règles fiscales internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques devront en tenir compte. Sinon, les entreprises pourront, grâce aux crédits d’impôt, afficher des taux d’imposition supérieurs à ce qu’elles paient réellement.

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