Commentary on Political Economy

Friday 12 April 2024

 POLITIQUE

A Bergerac, Emmanuel Macron défend une économie de guerre qui « produit de la richesse »

Le chef de l’Etat s’est rendu, jeudi, dans l’usine de poudre pour munitions d’Eurenco, en Dordogne, qui a vu son carnet de commandes s’envoler depuis le début du conflit en Ukraine.
Par Elise Vincent (Bergerac (Dordogne), envoyée spéciale)
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Emmanuel Macron, accompagné notamment par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, et le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, en visite à l’usine de poudre pour munitions Eurenco, à Bergerac (Dordogne), le 11 avril 2024.
Emmanuel Macron, accompagné notamment par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, et le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, en visite à l’usine de poudre pour munitions Eurenco, à Bergerac (Dordogne), le 11 avril 2024. LUDOVIC MARIN / AFP

C’est sous un soleil printanier et devant des rangées de lycéens souriants, pressés de postuler pour un éventuel contrat d’embauche ou d’apprentissage, que le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, a posé, jeudi 11 avril, la première pierre d’une nouvelle ligne de production d’une usine de poudre pour munitions, à Bergerac (Dordogne). Un déplacement destiné à valoriser les avancées de « l’économie de guerre »notamment ses retombées en termes d’emploi local, depuis son lancement à l’été 2022, peu après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Dans l’enceinte d’Eurenco, détenue à 100 % par l’Etat, M. Macron s’est ainsi félicité, jeudi, du réveil de cette entreprise de 900 salariés – dont 330 à Bergerac – au chiffre d’affaires de 190 millions d’euros par an, qui vivotait péniblement entre ses murs décatis jusqu’au début de la guerre, avant de soudainement reprendre une place centrale dans la course mondiale aux munitions. « Un beau symbole », selon le chef de l’Etat, qui devrait permettre de créer 250 emplois rien qu’à Bergerac d’ici à 2025 – et autant dans le reste du groupe –, grâce à la très forte hausse des commandes internationales depuis la mi 2023 : + 1,2 milliard d’euros.

« Nous sommes partis pour nous installer durablement dans un changement géopolitique (…) où les industries de défense vont avoir un rôle croissant », a vanté, jeudi, Emmanuel Macron, casque sur la tête, avec derrière lui, le balai des engins du chantier d’agrandissement de l’usine lancé en un temps record. « Il faut aller vite, fort, massifier », a ajouté le président, peu avant un déjeuner de travail avec les grands patrons de l’industrie de l’armement, dont ceux de Dassault, de Naval Group et de Nexter, conviés sur le site de la poudrerie.

Un doublement de la production en un an

Les faiblesses d’Eurenco constituaient jusque-là un des goulots d’étranglement de la remontée en puissance de l’industrie munitionnaire européenne, le nombre de fabricants de poudre étant très limité. Mais selon son président, Thierry Francou, le groupe qui compte des filiales en Suède, en Belgique et bientôt aux Etats-Unis, a déjà doublé en un an sa production. Il devrait être en capacité de la multiplier encore par deux pour les explosifs et les poudres de petits calibres d’ici à 2025, et par dix au même horizon pour les gros calibres comme les obus de 155 mm, très demandés par les Ukrainiens. Soit une capacité de 200 000 obus par an d’ici la fin 2025-début 2026.

Pour y arriver, Eurenco a mis en place un plan à la fois de relocalisation de sa production de poudre, qui provenait notamment d’Allemagne, et un programme d’investissement de 500 millions d’euros. Sur cette somme, 76 millions proviennent de l’action de soutien à la production de munitions (ASAP), ce nouvel instrument financier créé par la commission européenne, mi-2023, pour relancer toute la filière munitions en Europe.

Avant d’être à pleine capacité, et afin de ne pas perdre de temps pour Kiev, Eurenco a toutefois obtenu le feu vert de la direction générale de l’armement « pour utiliser des vieux stocks de poudre des armées initialement destinés à être détruits ou réservés à l’entraînement », a détaillé, jeudi, M. Francou. A terme, 80 % de la production d’Eurenco sera destinée à l’Ukraine, le reste ira à l’armée française.

« C’est bon pour l’emploi »

Une initiative qui réjouit fortement le maire de Bergerac, Jonathan Prioleaud (divers droite). Dans ce territoire à la fois rural et paupérisé, la relance d’Eurenco est une aubaine inespérée, dix ans après la fermeture d’un site du commissariat des armées, qui approvisionnait, lui, en vêtements et en mobiliers, différentes unités militaires. « C’est l’ensemble de l’économie locale qui va bénéficier du réarmement de la France car on sait qu’il y aura des emplois indirects », a confié M. Prioleaud, jeudi, peu après que le président de la République a posé la première pierre de la nouvelle ligne de production de l’usine.

Plusieurs autres projets de relocalisation de ce type sont à l’étude, a précisé l’Elysée, en marge du déplacement du chef de l’Etat. Notamment de la production de baguettes de soudage à Granvillars (Territoire de Belfort), et de l’assemblage de munitions spécialisées pour les tireurs d’élite et les forces spéciales dans les Hauts-de-France.

Accompagné, jeudi, du ministre des armées, Sébastien Lecornu, et du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le chef de l’Etat a terminé sa visite en se réjouissant de cette économie de guerre « qui produit de la richesse ». « La réindustrialisation, c’est bon pour l’emploi, et dans l’industrie, il y a l’industrie de défense », a ajouté Emmanuel Macron, tout en prenant soin de préciser qu’il « préférait la paix ». « Pour moi, Bergerac est l’image de cette reconquête industrielle et de cette souveraineté militaire que nous voulons pour nous-mêmes et pour l’Europe », a-t-il conclu, assurant que la loi de programmation militaire, votée en 2023, ne serait pas impactée par les restrictions budgétaires annoncées.

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