Commentary on Political Economy

Monday 31 December 2018

WHY WE MUST REDUCE THE HAN CHINESE TO RUBBLE.

The more we learn about the unprecedented brutality of the Han Chinese beasts - and the news filters out faster and more distressing from many quarters of the Chinese Empire -, the more imperative and pressing becomes the task of reducing the Han Chinese race to rubble! In our future blogs we shall seek to explain why Han Chinese racist imperialism has become the greatest threat that humanity has ever confronted. Here is the latest instalment from Le Monde:

En rangée, deux par deux, ils sont 500 détenus, que des gardes font monter dans des bus, cagoule sur la tête. Au bout du trajet, ils découvrent un nouveau camp d’internement, assez similaire à celui d’où ils viennent :
« Il y avait des bâtiments neufs, et d’autres qui n’étaient pas finis. Il devait y avoir 3 000 personnes, beaucoup de Kazakhs comme moi, qui étaient nés en Chine et à qui on disait qu’ils n’auraient pas dû changer de nationalité. Des gens qui avaient utilisé WhatsApp. D’autres qui avaient dit “Assalamu alaykum” [“Que la paix soit sur vous” en arabe]. »
Orinbek Koksebek, 38 ans, a passé cent vingt-cinq jours en détention en Chine début 2018 – mais il est incapable de dire combien dans l’un et l’autre des deux camps où il a été envoyé, à Tarbaghatay (Tacheng, en chinois), une sous-préfecture de l’ouest de la Région autonome ouïgoure du Xinjiang, là où la frontière chinoise avec le Kazakhstan fait un angle droit.
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Lui qui parle très mal le mandarin doit apprendre par cœur trois chansons : La Marche des volontaires (l’hymne national chinois) et deux chants maoïstes, L’Orient est rouge et Sans le Parti communiste, il n’y a pas de Chine nouvelle. Sinon, lui disent ses interrogateurs, il restera cinq ans en détention. A six reprises, il est envoyé au cachot, un espace noir, très étroit, pour vingt-quatre heures, nourri d’un seul beignet, sans eau.
La Chine présente ses camps comme de banals centres de déradicalisation et de «formation professionnelle» de ses minorités.
Orinbek Koksebek, ainsi que trois autres anciens détenus rencontrés à Almaty (Kazakhstan) ou à Istanbul (Turquie), font partie des rares témoins du programme de détention de masse des minorités turcophones musulmanes du Xinjiang, l’immense territoire aux confins de l’Asie centrale que le régime communiste administre d’une main de fer.
Y sont soumis les Ouïgours, qui constituent 11 millions des habitants de la région autonome, mais aussi les Kazakhs (1,5 million), dans des structures carcérales existantes, des prisons noires, des écoles du Parti, ainsi que de gigantesques camps récemment construits, dont plus d’une soixantaine ont été repérés par image satellite par des experts.
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La Chine présente officiellement ces derniers comme de banals centres de déradicalisation et de « formation professionnelle » de ses minorités, où les étudiants seraient rémunérés pour du travail en atelier. Selon la radio américaine Radio Free Asia, certains sont en train d’être aménagés dans ce sens pour de futures visites d’inspecteurs étrangers qui, dès lors, ne verront pas la réalité de cet archipel du goulag chinois.

Incarcération sans véritable motif légal

Les prétextes d’internement de ce programme ultranationaliste et antireligieux sont arbitraires, sans véritable fondement légal ou parfois logique. Orinbek Koksebek vivait au Kazakhstan depuis 2005, dans la ville de Semeï, non loin de la frontière russe. Il avait obtenu la nationalité kazakhe, et n’était retourné que deux fois en Chine, voir de la famille, en 2016 et fin 2017. Cette dernière visite est une expérience kafkaïenne : à la douane chinoise, on le sermonne pour avoir quitté la Chine sans avoir annulé sa citoyenneté chinoise. Il doit signer un formulaire en chinois qui, lui assure-t-on, lui permettra de le faire. Et attendre dans sa famille que la procédure aboutisse.
D’origine kazakhe, Orinbek Koksebek, 38 ans, a passé 125 jours dans un camp de rééducation dans la province chinoise du Xinjiang au début de 2018.
D’origine kazakhe, Orinbek Koksebek, 38 ans, a passé 125 jours dans un camp de rééducation dans la province chinoise du Xinjiang au début de 2018. .
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Le 15 décembre 2017, des policiers viennent le chercher pour le raccompagner à la frontière du Kazakhstan, à une vingtaine de kilomètres, affirmant que tout est en ordre. « Ils m’ont d’abord emmené au poste de police sous prétexte d’un document à signer. Puis dans une clinique pour faire des tests. Ensuite, on a pénétré dans un camp, avec une clôture, comme une prison. Ils me disaient : il faut juste que tu restes là trois jours, c’est la procédure. »
Ils le font se déshabiller, lui mettent des menottes aux pieds et aux mains, le battent quand il proteste et l’envoient dans une cellule avec des lits à étages. « Une semaine après, ils m’ont fait venir. Je croyais qu’ils allaient me libérer. Ils m’ont dit : Tu as gardé la double citoyenneté, tu avais une dette en Chine. Et puis tu es un espion.” Ils m’ont dit que la lettre que j’avais signée en entrant en Chine montrait que je voulais garder la nationalité chinoise, et non l’annuler – je ne lis pas le chinois. Je criais que j’étais citoyen du Kazakhstan. » En réponse, quatre gros bras le prennent par les mains et les pieds pour le mettre dans un puits de deux mètres de haut, où ils l’aspergent d’eau glacée.

« Faire de tout le monde des Chinois han ! »

Au bout de quatre mois de détention et d’apprentissage du chinois – Orinbek ne veut pour rien au monde fredonner les trois airs qu’il est forcé de chanter –, les responsables du camp le somment de choisir entre deux formulaires en chinois, l’un qui lui permet de rester en Chine – on lui trouvera une maison, une femme, un travail, disent-ils –, l’autre de rentrer au Kazakhstan. Et ne jamais parler de ce qu’il a vu. La confrontation dure une nuit. « Ils m’ont montré des photos de tous mes parents en disant qu’ils seraient détenus », dit-il. Il choisit le Kazakhstan. Et décide qu’il est indispensable de témoigner à visage découvert.
Dans les rue d'Almaty au Khazakstan le 4 décembre 2018.
Dans les rue d'Almaty au Khazakstan le 4 décembre 2018. .
Le prétexte de la double nationalité est pour le moins inique : les Chinois han sont des millions à obtenir le passeport de différents pays à travers le monde, tout en gardant leur nationalité chinoise – malgré l’interdiction officielle de le faire.
La proximité du Xinjiang avec le Kazakhstan, qui a pour politique d’accueillir les Kazakhs d’autres pays voulant s’installer dans la mère patrie et abrite une forte communauté ouïgoure, en fait un observatoire privilégié. « Les Kazakhs chinois sont la minorité du Xinjiang la plus en contact avec l’extérieur. [Les Chinois] ont-ils eu peur qu’ils révèlent la persécution des Ouïgours ? Pourtant, les Kazakhs n’aiment pas beaucoup les Ouïgours, les Chinois les ont toujours dressés les uns contre les autres », observe, à Almaty, Bekbol (nom d’emprunt), un Kazakh chinois qui a émigré en 2014 au Kazakhstan, quand il a senti que la politique ethnique chinoise se durcissait car son université avait interdit le port de la doppa, le chapeau traditionnel ouïgour, et le foulard.
Pour cet ancien membre du Parti communiste (PCC), le gouvernement chinois veut « éliminer les minorités, faire de tout le monde des Chinois han ! ». Bekbol accueille, avec d’autres bénévoles de l’ONG AtaZhurt (mère patrie, en kazakh), des compatriotes venus de Chine ou des citoyens kazakhs dont la famille en Chine a été détenue.

« Une politique d’assimilation rapide »

Ils sont des dizaines ainsi, chaque jour, à se presser dans les petits locaux de l’ONG, dans un immeuble de bureaux d’Almaty, pour passer un à un sur une estrade où ils déclinent leur identité, brandissent la photo d’un mari ou d’un fils déportés – et souvent de familles entières. Les vidéos sont mises sur YouTube. Des bénévoles aident chacun à écrire des lettres au président kazakh, Noursoultan Nazerbaïev, et à Michelle Bachelet, la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, pour les interpeller sur leurs « disparus ».
Une fillette de 12 ans, Marmar Torekhan, qui vit dans la ferme de ses grands-parents, à Karaturyk, à une centaine de kilomètres d’Almaty, a ainsi vu il y a deux ans ses parents, résidents du Kazakhstan mais pas encore naturalisés, être invités à retourner en Chine pour des formalités administratives, et ne jamais revenir. Son frère aîné de 21 ans a voulu les rejoindre, ses grands-parents l’en ont dissuadé. Selon eux, il en est mort d’inquiétude.
Pour le politologue kazakh Rasul Jumaly, la Chine est en train de mettre en œuvre « une politique d’assimilation rapide [des minorités turcophones du Xinjiang] par des moyens radicaux » : 
« Comparée à l’URSS, la Chine était relativement libérale : on trouvait au Xinjiang un grand nombre d’écoles, des journaux en langue kazakhe ou ouïgoure, plus que la République soviétique du Kazakhstan en avait à l’époque de l’URSS. Mais l’initiative Belt and Road [des nouvelles routes de la soie] est hautement stratégique pour le leadership chinois actuel. Leur priorité, c’est de stabiliser la région, en ignorant les critiques internationales, estime-t-il. Je crains donc que dans cinq ou dix ans, il n’y ait plus de Kazakhs chinois qui se considèrent ethniquement kazakhs ou qui parlent le kazakh. »
« On chiffre à environ 220 le nombre de structures de détention, contenant d’un à trois millions de personnes. »
Kakharman Khozamberdi, un vieux militant politique ouïgour du Kazakhstan, auteur de livres sur la région, estime qu’on assiste à « la pire vague de sinisation depuis la Révolution culturelle, avec la technologie moderne en plus » :« On chiffre à environ 220 le nombre de structures de détention, contenant d’un à trois millions de personnes. [Les dirigeants chinois] se donnent de sept à neuf ans pour faire passer dedans toute la population entre 15 et 84 ans », analyse ce correspondant local du Congrès mondial ouïgour, l’organisation politique de la diaspora en exil.
« Les centres d’internement servent à filtrer les gens : il y a ceux où l’on sinise, par des leçons, des slogans à répéter tous les jours. Ceux dont on ne revient pas en raison de condamnations à la prison, parfois à vie » – contre, précise-t-il, les cadres de maisons de presse ou d’édition officielles en ouïgour.

Liquider tout sentiment d’identité ouïgoure ou kazakhe

« Sont aussi visés tous ceux qui ont des aspirations religieuses, le clergé. Les étudiants qui posent trop de questions… Le but, c’est de liquider tout sentiment d’identité ouïgoure ou kazakhe et de le remplacer par un sentiment d’identité chinoise. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont créé un système de “parenté” pour les Ouïgours, on colle à chaque famille des “parents” han », ajoute-t-il, au sujet du programme très officiel d’« unité ethnique » qui envoie un million de cadres et volontaires han dans des familles ouïgoures une semaine par an depuis décembre 2017.
Plusieurs ONG internationales, dont Human Rights Watch, ont publié des rapports circonstanciés sur l’ampleur des violations de droits auxquelles ces politiques ethniques radicales donnent lieu.
Une femme s'inscrit sur la liste d'attente pour témoigner face aux caméras de l'association Atajurt sur la disparition d'un de ses proches en Chine, à Almaty, le 5 décembre 2018.
Une femme s'inscrit sur la liste d'attente pour témoigner face aux caméras de l'association Atajurt sur la disparition d'un de ses proches en Chine, à Almaty, le 5 décembre 2018. ROMAIN CHAMPALAUNE POUR "LE MONDE"
Les rares à être sortis de détention racontent un degré de coercition extrême. La concentration de population est la règle. Ali (nom d’emprunt), un Ouïgour quadragénaire rencontré à Istanbul, travaillait comme informaticien à Urumqi, la capitale de la région autonome,dans une société d’Etat de technologies de l’information dont il taira le nom. Il a été envoyé à deux reprises, une trentaine de jours, dans un centre de détention pour les « personnes en qui l’on n’a pas confiance ». Le prétexte ? Avoir téléchargé l’application chinoise KuaiZipIl a été repêché par son employeur qui avait besoin de lui.
A sa sortie, il corrompt un officiel han avec 50 000 dollars (43 700 euros) pour obtenir un passeport et sortir de Chine. « Ils craignent les gens éduqués, qui savent des choses sur le système, bien plus que les gens ordinaires », dit-il, dans un café d’un centre commercial de la banlieue d’Istanbul. « Je me disais, si jamais ils me relâchent, je pourrai vivre dans une décharge. C’est comme un film, c’est complètement irréel. On nous faisait porter des vêtements déjà utilisés par d’autres », explique-t-il au sujet des arrestations de masse.
Son camp était près de Fukang, une zone industrielle à une trentaine de kilomètres au nord d’Urumqi. « On était cinquante dans une cellule de 60 mètres carrés. Et il y avait douze sections de vingt cellules. Il y avait des fenêtres tout en haut, par lesquelles des gardes nous surveillaient. Ça sentait la merde. Quand ils ouvraient, c’était une horrible odeur chimique. Toute la nuit, c’était éclairé par des ampoules très fortes. On ne pouvait pas s’étendre. Toutes les deux heures, quinze personnes se levaient pour surveiller les autres. Le reste du temps, on était assis pendant des heures, sans avoir le droit de parler ! », mitraille-t-il.
Le camp sert à du triage, des gens sont envoyés en rééducation, d’autres en prison. Certains sont interrogés pendant des mois. Le pire, en détention, poursuit Ali, c’est la peur : « Une dizaine de détenus ont les mains enchaînées entre les pieds pendant quinze jours. Et ils sont choisis au hasard ! dit-il avec un rire nerveux, comme soulagé de réaliser qu’il en a réchappé. On doit les aider pour manger, pour faire leurs besoins dans la cellule. »
Sophia (pseudonyme) raconte son arrestation en Chine. Appartenant à l’ethnie kazakhe, elle a passé six mois dans un centre de détention pour avoir étudié à l’université au Kazakhstan et pour posséder à la fois un passeport chinois et kazakh.
Sophia (pseudonyme) raconte son arrestation en Chine. Appartenant à l’ethnie kazakhe, elle a passé six mois dans un centre de détention pour avoir étudié à l’université au Kazakhstan et pour posséder à la fois un passeport chinois et kazakh. .

« Chaise du tigre »

Sophia, nom d’emprunt qu’elle a choisi, a aujourd’hui 20 ans, des cheveux mi-longs, et un talent certain pour croquer au fusain les scènes de la détention qu’elle a subie en Chine : des détenues dans une cellule, une fouille. Elle avait voulu goûter à la liberté en partant suivre un cours préparatoire d’entrée à l’université dans une ville du nord du Kazakhstan, et s’est retrouvée en prison à son retour en Chine. Pour rien.
Revenue au Kazakhstan, elle vient d’avoir sa carte de résidente permanente de ce pays. Mais citoyenne chinoise d’ethnie kazakhe, elle n’aurait aucun recours si elle devait être rapatriée dans son Xinjiang natal. « Je suis terrifiée. Même si je suis ici, mes parents sont encore là-bas. Et puis, il peut y avoir des espions », dit-elle, surveillant les clients qui entrent dans le restaurant d’Almaty où elle nous a rejoints. La plus grande ville du Kazakhstan n’est qu’à 300 kilomètres de la frontière chinoise.
Sophia a été détenue six mois dans un centre de réhabilitation d’Urumqi, où sont internés habituellement drogués et petits délinquants. Elle a été longuement interrogée à la frontière, puis, alors qu’elle avait décidé de passer la nuit à Urumqi, une amie ouïgoure l’a appelée en prétendant vouloir lui emprunter de l’argent. Elle est allée la rejoindre. Des policiers l’attendaient. Elle est embarquée et interrogée de longues heures sur une « chaise du tigre », siège conçu pour immobiliser les suspects par les poignets, utilisé en Chine : « Ils me disaient, pourquoi as-tu une amie ouïgoure ? Pourquoi veux-tu étudier au Kazakhstan, alors que les universités sont bien meilleures en Chine ? Tu ne sais pas que le Kazakhstan est sur la liste des vingt-six pays interdits ? »
Sophia (pseudonyme) raconte par des croquis ses six mois passés dans les camps de détention chinois du Xinjiang.
Sophia (pseudonyme) raconte par des croquis ses six mois passés dans les camps de détention chinois du Xinjiang. .
« Je n’avais rien fait de mal au Kazakhstan. J’avais même fait tamponner avant de partir, au comité de quartier, une promesse de ne pas me livrer à des activités religieuses, de ne pas fréquenter de mosquée, tout était en règle ! », nous explique-t-elle. Les interrogateurs l’empêchent de prévenir ses parents. « Je m’énervais, eux aussi, puis à la fin ils m’ont donné un papier comme quoi j’étais détenue pour six mois ! » Elle rejoint alors vingt-trois détenues dans 25 mètres carrés. « La nuit, il fallait se relayer pour surveiller les autres afin que personne n’essaie de se suicider », dit-elle.

La religion, motif de persécution

Un jour, Sophia se plaint d’avoir de la fièvre. Les gardes, des Chinoises han, la mettent dans une autre cellule avec un scotch sur la bouche. Elle dit aussi avoir été brutalisée de coups de pied dans les parties génitales et en garder des séquelles. Comme d’autres détenues femmes, ses règles se sont arrêtées en détention. Sophia parle parfaitement le mandarin. Mais elle a dû apprendre par cœur des chansons communistes, des devises de Confucius, et trente-trois articles portant sur les « activités religieuses illégales » : ne pas porter de hijab, ne pas aller à la mosquée, ne pas dire « bismillah » (« au nom de Dieu ») avant de manger. Pourtant, elle n’a jamais été attirée par l’islam.
Basitova Guzel est une Ouïghour originaire de la province chinoise du Xinjiang. Son mari, Mejit Adkham, est en détention depuis un an en Chine : le gouvernement chinois enferme dans des camps de rééducation ceux qui pratiquent leur religion, voyagent à l’étranger, ou ont de la famille à l’étranger.
Basitova Guzel est une Ouïghour originaire de la province chinoise du Xinjiang. Son mari, Mejit Adkham, est en détention depuis un an en Chine : le gouvernement chinois enferme dans des camps de rééducation ceux qui pratiquent leur religion, voyagent à l’étranger, ou ont de la famille à l’étranger. .
La pratique ordinaire de la religion est un motif certain de persécution. Basitova Guzel, 34 ans, est une Ouïgoure dont la famille est établie de longue date au Kazakhstan. Elle s’est rendue en 2017 dans le village près de Ghulja, au Xinjiang, d’où venait son mari ouïgour, Mejit Adkham, car les autorités locales, après une visite, ne voulaient plus le laisser rentrer au Kazakhstan où il vivait avec leurs enfants.
« Dans le village des parents, la mosquée était fermée. Ils avaient peur de prier à la maison. Tous les livres avaient été pris, et ceux qui ne concernaient pas la religion étaient rendus avec un tampon. Les gens avaient pris l’habitude de prier en marchant, en croisant les bras devant soi. Mais du coup, les gens qui marchaient comme ça se faisaient arrêter », dit-elle.
Au Kazakhstan, elle porte le hijab, mais on lui interdit de le garder au-delà de la frontière chinoise. Son mari passe cinq jours en camp, puis est relâché quand elle s’en plaint au commissariat. « Il était terrorisé. Il m’a dit qu’ils étaient cinquante dans une cellule. Qu’ils ne pouvaient pas s’étendre. Qu’il y avait des caméras à chaque coin. Il a dû regarder un film sur les musulmans, puis on leur posait des questions dessus. Ils l’accusaient d’être un traître, de vouloir vivre au Kazakhstan. Il me parlait en chuchotant, de peur qu’on l’entende. »
Basitova Guzel et ses enfants, à  Almaty, le 4 décembre 2018.
Basitova Guzel et ses enfants, à  Almaty, le 4 décembre 2018. ROMAIN CHAMPALAUNE POUR LE MONDE
Quand le visa chinois de Basitova expire en avril 2017, les autorités locales refusent de le prolonger. Elle doit se résoudre à rentrer seule à Almaty. Six mois plus tard, le dernier message sonore de son mari sur WeChat, la messagerie chinoise, lui dit qu’il est envoyé en camp :« Occupe-toi bien des enfants. Dis-leur bien que papa ne les a pas abandonnés. »
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Elle fait écouter sa voix aux enfants pendant deux mois – jusqu’à ce que le message soit mystérieusement effacé du serveur. En janvier, elle apprend que ses beaux-parents, et tous ses beaux-frères et belles-sœurs, ont eux aussi été déportés. Depuis, elle n’a aucune nouvelle de son mari. Sa dernière fille, Anisa, a presque un an. Alors, elle lui parle tous les jours de ce père qu’elle n’a jamais vu.

Brice Pedroletti (Istanbul, Turquie, Almaty, Kazakhstan, envoyé spécial)

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