Commentary on Political Economy

Thursday 28 September 2023

 



En Russie, l’échec démographique de Poutine

Le déclin continu de la population depuis 1991, qui n’a jamais rattrapé son retard lié aux événements du XXᵉ siècle, est en passe de devenir un enjeu dans la perspective de longs combats en Ukraine. En juillet, le nombre de naissances a été ramené à celui de 1945.

Par Benoît Vitkine(Moscou, correspondant)
Publié aujourd’hui à 05h31, modifié à 16h36 
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Scène de rue à Sotchi (Russie), le 15 septembre 2023. ALEXANDER ZEMLIANICHENKO / AP
A l’orée d’une guerre qui s’annonce longue, la démographie, au moins autant que l’économie, se révèle pour les deux belligérants, Russie comme Ukraine, un élément déterminant dans leur capacité à tenir sur le long terme. Après avoir parié, dans les premières semaines de son invasion de l’Ukraine, sur les éléments les mieux préparés d’une armée que l’on disait modernisée, Vladimir Poutine a dû s’en remettre à la mobilisation de masse des citoyens – mettant au jour les immenses et anciennes fragilités de la démographie russe.

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Le chef du Kremlin a pourtant placé ce sujet au cœur de ses discours et de son action depuis son arrivée au pouvoir, à la fin de 1999. A grand renfort de coûteuses politiques de soutien aux familles, Vladimir Poutine a fait du renforcement de la démographie une priorité, voire une obsession, avec l’ambition d’enrayer, puis d’inverser, le déclin amorcé en 1991. Il le disait encore dans son discours à la nation en 2020 : « Le destin de la Russie et ses perspectives historiques dépendent d’une chose : combien nous sommes et combien nous serons. »

Malgré l’importance de la question pour les autorités, ou peut-être précisément à cause de cela, les données démographiques russes sont entourées du plus grand flou, et traitées comme un secret d’Etat – y compris celle, basique, de la population globale de la Russie. L’agence statistique Rosstat, qui fait autorité en la matière, estimait celle-ci, au 1er janvier, à 146 447 424 individus. Soit – constat gênant pour M. Poutine – moins qu’en 1999…

Des estimations fantaisistes
Le chiffre de Rosstat inclut la population de Crimée, annexée en 2014 et qui approche 2,5 millions, dont une bonne partie de « migrants » arrivés de Russie. L’agence officielle n’inclut pas, en revanche, les régions annexées de l’Ukraine en septembre 2022 – celles de Donetsk, Louhansk, Zaporijia, Kherson. Cet « oubli » rappelle le caractère éminemment politique de la question. Impossible pour Moscou et les institutions internationales de se mettre d’accord sur ce chiffre élémentaire.

Mais, même en incluant ces régions occupées, leur apport à la démographie globale de la Russie est plus qu’incertain. Non seulement l’armée russe ne tient qu’une partie de ces territoires qu’elle revendique (les villes de Zaporijia et Kherson sont, entre autres, aux mains de Kiev), mais ceux-ci se sont vidés de leur population.

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Si Rosstat n’avance aucune estimation, les commissions électorales se basent sur les données datant de l’époque ukrainienne – ce qui souligne le caractère totalement fantaisiste des chiffres de participation annoncés lors du « pseudoréférendum » de rattachement de septembre 2022 ou des élections locales de septembre 2023.

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Encore plus fantaisistes, les estimations non officielles de la population russe, comme celle du quotidien Komsomolskaïa Pravda, atteignent 154 millions. Le journal se base, par exemple,sur une population de l’oblast de Louhansk évaluée à 4,1 millions, quand le chiffre ukrainien lui-même plafonnait à 1,4 million.

Les habitants de ces territoires sont en tout cas bel et bien traités comme des Russes : dès février 2022, les « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk ont proclamé une mobilisation générale qui a saigné leur population masculine. Depuis l’annexion de septembre 2022, 1,5 million d’habitants des « nouveaux territoires », comme les désigne Moscou, auraient reçu un passeport russe. Le chiffre, invérifiable, apparaît modeste, tant les pressions sont importantes pour pousser les Ukrainiens à abandonner leur nationalité – impliquant, dans certains cas, jusqu’à la perte de titres de propriété.

Départs massifs

Le secret le mieux gardé concerne les pertes de la guerre en Ukraine. Aucun bilan officiel n’a été donné depuis septembre 2022 (5 937 morts), et les estimations varient de 40 000 (sur la seule base des annonces nécrologiques disponibles en source ouverte) à 120 000, chiffre fourni par le renseignement américain.

Un tel nombre de morts a néanmoins un effet limité sur la démographie russe, si l’on compare, par exemple, aux conséquences du Covid-19. A l’époque, les autorités avaient essayé de cacher le bilan humain de la pandémie, mais la Russie a bien enregistré sur la période 2019-2021 une surmortalité d’un million de personnes.

S’agissant des pertes militaires, le réservoir d’hommes est encore immense – bien plus important qu’en Ukraine –, surtout dans les régions pauvres, les plus pourvoyeuses de combattants. Côté russe, le risque est surtout politique, celui de déclencher une deuxième vague de mobilisation, maintes fois démentie jusqu’ici.

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C’est d’ailleurs pour cette raison que les mobilisés devront rester au front « jusqu’à la fin de l’“opération militaire spéciale” », comme l’ont récemment confirmé les députés. Par contraste, les criminels recrutés par Wagner n’ont eu à combattre que six mois pour recouvrer leur liberté.

A plus long terme, l’effet de la guerre devrait surtout se ressentir dans la future pyramide des âges, puisque la guerre éloigne de leur foyer des hommes en âge de procréer. Au mois de juillet, selon les chiffres de Rosstat, 110 500 enfants sont nés en Russie, soit la natalité la plus faible enregistrée pour ce mois depuis au moins 1945. Juin s’était déjà révélé historiquement bas. L’espérance de vie, elle, a augmenté assez nettement durant le règne de M. Poutine (en particulier grâce à un recul de l’alcoolisme), mais pas assez pour enrayer la tendance.

Celle-ci est renforcée par les départs massifs de Russie, qui, eux, ont une influence bien plus directe sur la démographie que les morts au combat. Ils ont eu lieu en deux vagues : dès le début de la guerre, et de manière plus importante après l’annonce de la mobilisation de septembre 2022.

Recours à une main-d’œuvre nord-coréenne

L’estimation la plus consensuelle, établie par le centre de réflexion Re : Russia du politologue Kirill Rogov, oscille entre 800 000 et 900 000 personnes, appartenant aux couches les plus actives et éduquées de la population. Ces départs sont les plus massifs depuis la vague d’émigration de l’année 1920, consécutive à la révolution bolchevique. La question préoccupe d’ailleurs les autorités, comme le montre, entre autres, le probable recours à une main-d’œuvre nord-coréenne, en dépit des sanctions onusiennes contre Pyongyang. Au début de septembre, en amont de la visite en Russie de Kim Jong-un, les autorités ont sondé une centaine de grosses entreprises quant à leurs besoins en la matière.

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Le sujet est aussi le seul à faire l’objet d’une discussion publique, principalement à l’initiative de ceux qui entendent punir les Russes pacifistes qui ont quitté leur pays, au moins provisoirement, et leur rendre la vie impossible. Les propositions sont variées : leur interdire un certain nombre de transactions ; leur faire payer plus d’impôts ; les exclure du travail à distance ; et jusqu’à suivre la voie de la Biélorussie, qui a récemment décidé de ne plus fournir de documents administratifs à ses citoyens à l’étranger… Pour l’heure, les plus radicales de ces propositions sont bloquées par le ministère de l’économie.

Les départs antérieurs à l’invasion de l’Ukraine, notamment s’agissant des spécialistes les plus qualifiés, sont traditionnellement compensés par l’immigration. Celle-ci a toutefois reculé en 2022, avec environ quatre millions d’entrées, mais légèrement, grâce à la bonne tenue du rouble – qui s’est ensuite écroulé en 2023. Les travailleurs étrangers constituent à leur tour un vivier important pour les recruteurs de l’armée, qui n’hésitent pas à utiliser intimidation et contrainte. A cela il faut ajouter les réfugiés d’Ukraine – 3,5 millions seraient entrés en Russie depuis février 2022, selon le FSB, les services de sécurité, qui ne donne pas les chiffres de sortie.

 



Les classes populaires, une catégorie mouvante au cœur d’une bataille politique et idéologique

Souvent abstentionnistes et en partie attirées par l’extrême droite, les classes populaires sont au cœur d’une entreprise de reconquête politique et idéologique. Mais leur visage contemporain s’éloigne de l’imagerie des anciennes classes laborieuses ou ouvrières.

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Publié hier à 12h45

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Histoire d’une notion. Politiquement, c’est la martingale et même un Graal électoral. La reconquête des classes populaires est un objectif politique, une question stratégique, mais aussi un défi idéologique que l’on se dispute de part et d’autre de l’Assemblée nationale. A droite, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, assure défendre les « gens ordinaires qui n’ont pas de résidence secondaire » et qui ont « besoin de sécurité ». A gauche, l’« insoumis » François Ruffin travaille depuis de longues années sur la condition sociale des classes populaires périurbaines et alerte sur l’importance de ne pas les abandonner aux partis nationalistes. Ainsi le député de la Somme a-t-il perçu dans les analyses des économistes Julia Cagé et Thomas Piketty qui, dans Une histoire du conflit politique (Seuil, 864 pages, 27 euros), affirment que « la reconquête du vote populaire rural » doit devenir la « priorité absolue pour le bloc social-écologique », une confirmation scientifique de ses intuitions empiriques.

Mais qui sont les classes populaires ? « Deux critères paraissent essentiels, répond l’historien Gérard Noiriel, le niveau de ressources et le niveau d’études. » Voilà pourquoi « on peut dire que les ouvriers et les employés en sont aujourd’hui les principales composantes », poursuit l’auteur d’Une histoire populaire de la France (Agone, 2018). Et d’où viennent les classes populaires ? Car celles-ci n’ont pas toujours existé sous cette dénomination. Jusqu’aux années 1970, en effet, les sciences sociales et les partis de gauche parlaient de la « classe ouvrière » ou des « classes laborieuses ». La désindustrialisation est cependant passée par là. Et il devenait difficile d’utiliser ce terme à propos d’employés et de salariés des services, au sein de populations souvent touchées par le chômage de masse.

L’expression « classes populaires » semblait ainsi plus « adéquate », rappelait, en 2011, le sociologue Olivier Schwartz, puisqu’elle présentait l’avantage de « désigner tout l’éventail des catégories les moins dotées d’une société » : les citoyens aux revenus modestes, mais aussi dominés par le « nouveau capital », disait Pierre Bourdieu, celui, social, scolaire et culturel, qui se transmet implicitement dans les familles aisées et lettrées.

Cependant, « le visage des populations qui composent les classes populaires a changé », relève le sociologue Etienne Penissat, qui signe Classe (Anamosa, 109 pages, 9 euros). Les aides à domicile ou les assistantes maternelles, par exemple, se situent « à l’intersection des discriminations économiques, mais aussi raciales et genrées », fait-il observer. On oppose souvent l’ancienne classe ouvrière blanche des régions désindustrialisées à celle, multiculturelle, des employés des cités, la France rurale à celle des banlieues. Ces représentations conduisent toutefois à « enfermer les classes populaires dans des oppositions identitaires », poursuit le chercheur au CNRS, convaincu qu’une « lutte de classes intersectionnelle » serait capable d’« élargir le “nous” de la classe aux fractions marginalisées », notamment venues des anciennes colonies françaises.

Deux sens différents

Si la notion de « classe populaire » revient dans l’espace public, c’est aussi parce que « les classes n’ont pas disparu dans la supposée homogénéité d’une classe moyenne unique ou peu différenciée », explique l’historienne Déborah Cohen. En effet, prolonge l’autrice de Peuple (Anamosa, 2019), « c’est l’accroissement des inégalités qui autorise le retour des classes populaires » auxquelles le mouvement des « gilets jaunes » a notamment donné corps et voix.

Dérivé du mot « peuple », le terme « populaire » a pris deux sens différents, que les Romains distinguaient déjà, rappelle Gérard Noiriel. « Populus » désigne le peuple au sens politique (l’ensemble des citoyens d’une nation) et « plebs » envisage le peuple en tant que classe sociale : la plèbe, la populace, et aujourd’hui les classes populaires. « Depuis l’avènement des régimes démocratiques, poursuit l’historien, qui a récemment publié Le Pourquoi du comment. Mieux vivre grâce à l’histoire (France Culture/Michel Lafon, 284 pages, 19,95 euros), les professionnels de la politique ont entretenu constamment une confusion entre le peuple politique et le peuple-classe sociale, car, pour représenter le peuple politique, il faut gagner les élections, en attirant les suffrages des classes populaires qui représentent la composante la plus nombreuse du corps électoral. »

Ainsi, le fait que la droite comme la gauche cherchent à capter le vote des classes populaires n’a donc « absolument rien de nouveau », fait-il observer. D’autant que celles-ci ne sont pas intrinsèquement progressistes, affirme l’historien Pascal Ory : « Le peuple peut être autoritaire, jusqu’à l’amour de la dictature, identitaire, jusqu’à la xénophobie », écrit l’auteur de Ce côté obscur du peuple (Bouquins, 2022), qui voit dans le populisme « une idéologie de synthèse qui permet à la droite radicale de trouver le chemin des classes populaires en adoptant un style de gauche radicale ».

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En tout cas, rappelle Gérard Noiriel, l’histoire montre que « la gauche a pu devenir hégémonique » sur le plan politique lorsqu’elle a rassemblé ses forces autour d’un programme articulant « la défense des intérêts socio-économiques des classes populaires et la lutte contre ce qu’on appelle aujourd’hui les “discriminations” ». Une convergence qui, dit-il, a permis la victoire du Front populaire en 1936 et celle du programme commun en 1981. Une leçon de sociologie politique à méditer.

Slovacchia al voto: cosa rischia l’Europa a Bratislava

Il cinquantanovenne Robert Fico, già iscritto da giovanissimo al Partito comunista cecoslovacco, diventato in seguito leader di un Partito socialdemocratico di marcate tendenze populiste, ha buone possibilità di uscire vincitore dalle elezioni che si terranno in Slovacchia sabato prossimo. A contendergli la vittoria è rimasto solo il Partito liberale che i sondaggi dell’ultima ora accreditano in ascesa. Ma Fico è ancora in vantaggio.

Chi è quest’uomo e perché ne parliamo? Fico è già stato due volte primo ministro della Slovacchia: dal 2006 al 2010 e dal 2012 al 2018. Finché, cinque anni fa, fu costretto alle dimissioni in seguito all’assassinio del giornalista Jàn Kuciak (e della sua compagna Martina Kusnirova) che erano in procinto di pubblicare alcuni articoli sui rapporti tra la ‘ndrangheta calabrese e membri del governo guidato, appunto, da Fico. Questo, per descrivere il suo entourage.

A dicembre è caduto il governo di centro-destra di Eduard Heger convinto sostenitore della causa di Kiev e attualmente il Paese è governato ad interim da Ludovit Odor. Secondo i sondaggi che — come si è detto — danno in testa Fico, sorprendentemente la Russia non è più ritenuta responsabile dell’aggressione all’Ucraina. O lo è ritenuta sempre meno: i «colpevolisti» sono scesi dal 51 al 40 per cento. Ed è indubbiamente «merito» di Fico l’aver indotto parte dei suoi connazionali a questa inversione di rotta.

Nella campagna elettorale, Fico ha accusato il presidente ceco Petr Pavel di «interferenze» nel suo Paese e i suoi avversari di avere addirittura in preparazione un colpo di Stato contro di lui. Sostiene di essere «contrario a ulteriori riarmi dell’Ucraina perché il prolungamento del conflitto porta solo a inutili e gravi perdite di vite umane». Specifica che «le sanzioni contro Mosca danneggiano più la Ue che la Federazione russa». Secondo Fico l’Europa «non dovrebbe limitarsi a seguire acriticamente gli interessi americani». Neanche a dirlo, un’eventuale adesione dell’Ucraina alla Nato rappresenterebbe «un fattore di rischio per la pace globale». Nemico esplicito di György Soros, Fico è apertamente sostenuto da moltissimi siti della propaganda putiniana. Detto in breve, è un personaggio che, vivesse in Italia, sarebbe destinato a spopolare nei talk.

Il danno che, però, rischia di arrecare all’Europa è ben maggiore. Nel caso fosse eletto sposterebbe il suo Paese — membro dell’Unione europea e della Nato — nell’orbita ungherese. Con conseguenze minime (ancorché non trascurabili) sul piano militare. Ma di grande effetto sul piano politico e psicologico.

Qualche giorno fa su questo giornale Giuseppe Sarcina ha lanciato un allarme sull’atmosfera di «cauto pessimismo» che va diffondendosi negli Stati Uniti e in Europa relativamente a questa fase della guerra d’Ucraina. Gli ha fatto eco un articolo dell’«Economist» («Time for a rethink», lo stesso titolo usato vent’anni fa a proposito della guerra in Iraq) nel quale — per motivare la proposta di pensare meno alla ricostruzione postbellica e più a come attirare capitali, adesso, subito, in Ucraina — il prestigioso settimanale inglese partiva da considerazioni sconsolate sull’esito di questa fase del conflitto. In particolare, a causa dell’eccessivamente annunciata controffensiva zelenskyana dell’estate appena trascorsa. Sono seguiti a ruota i grandi giornali occidentali. Tutti con toni simili a quelli dell’«Economist». Spaventati soprattutto dal fatto che il premier polacco Mateusz Morawiecki ha minacciato di non consegnare nuove armi a Kiev se l’Ucraina continuerà — Ue consenziente — ad inondare con cereali a basso costo i mercati del suo Paese (ma anche quelli di Slovacchia, Ungheria, Bulgaria e Romania). Mosso, Morawiecki, dall’evidente preoccupazione che gli effetti della crisi provocata dai cereali ucraini — assieme alle conseguenze di un’eventuale vittoria di Fico in Slovacchia — possano avere pesanti riflessi sulle elezioni che si terranno a breve, il 15 ottobre, in Polonia.

A ben vedere è questa una parte rilevante della partita che si gioca sabato prossimo a Bratislava. La guerra per gli ucraini — pur con qualche difficoltà — sta andando meglio di come viene descritta sui media occidentali. Ma è sullo stato d’animo complessivo del continente che si manifestano con sempre maggiore evidenza le crepe denunciate da Sarcina. Accadde qualcosa di analogo nell’estate/autunno del 1940 e per una buona metà del 1941 nel corso della Seconda guerra mondiale. Allora l’intera Europa continentale cedette all’offensiva hitleriana e negli Stati Uniti il presidente Franklin Delano Roosevelt fu costretto a fronteggiare potentissimi umori «pacifisti» che gli sconsigliavano di immischiarsi nelle «faccende europee». Adesso per certi versi i pericoli non sono di minore entità. E le strizzate d’occhio tra Trump e Putin possono indurci a supporre che anche le elezioni americane saranno contrassegnate da manifestazioni di umori contrari alla prosecuzione degli aiuti all’Ucraina. Ma — per tornare all’Europa — è in momenti come questi che si vede se i valori dell’Unione tengono. Ci sono fondamentali questioni economiche, certo. C’è il problema dei migranti, enorme. Ma c’è soprattutto l’Ucraina, sottoposta a una guerra d’aggressione, persa la quale sarà il nostro continente a uscirne sconvolto. Per sempre.

Wednesday 27 September 2023

 

« De chasseurs, on est passé à chassés » : au sein des forces de police, le malaise s’accentue après les émeutes

Par Luc Bronner  (Rennes, Grande-Synthe (Nord), Toulouse, Lyon, envoyé spécial)

Publié aujourd’hui à 05h03

Temps deLecture 16 m

ENQUÊTE

Les violences urbaines qui ont secoué le pays en début d’été ont fortement marqué les fonctionnaires engagés en première ligne.

 L’enquête du « Monde » montre à quel point cette séquence ultra-violente a nourri leur mal-être et un sentiment d’injustice de plus en plus profond.


Ce sont des blessures qui s’accumulent comme autant de plaies ouvertes, puis de cicatrices jamais complètement refermées au sein du monde policier. Un corps social à vif, meurtri, désorienté. Les émeutes de fin juin et début juillet, après la mort de Nahel M. à Nanterre, tué par un tir policier pour un refus d’obtempérer, ont ajouté une couche de colère sur un terreau fragilisé, sinon explosif. « Un moment de crispation qui peut être un point de non-retour », s’alarme un préfet, parmi les plus hauts cadres du ministère de l’intérieur, très marqué par l’extrême violence des émeutes et par le mouvement de contestation d’une partie des forces de l’ordre, en juillet, en colère après le placement en détention provisoire d’un agent de la brigade anticriminalité (BAC) de Marseille accusé de violences volontaires pendant les émeutes.


Des blessures ? Ce vendredi 1er septembre, Stéphane Barthélemy, un major de 52 ans, ouvre la porte de sa chambre dans l’hôtel banal d’une zone artisanale banale où une partie de la CRS 20 a établi son camp de base à Grande-Synthe (Nord), en banlieue de Dunkerque. Trois semaines près de Calais pour tenter d’empêcher les migrants de traverser la Manche. Puis deux semaines de repos à Limoges, là où vivent les familles des fonctionnaires. Et, à nouveau, trois semaines de mission à Nice, cette fois pour empêcher les migrants d’entrer sur le territoire, dans cette mission cyclique, parfois étrange, que leur confie la République.


Pendant les émeutes, fin juin, la compagnie avait été appelée en renfort et en urgence à Creil (Oise), afin de soutenir les forces locales, dépassées, comme dans des centaines de villes, par des assaillants très organisés. Le major Barthélemy et une trentaine de CRS ont donc investi la caserne des pompiers, sur le plateau, à proximité des cités populaires, pour prévenir toute tentative d’incendie. Rapidement confrontés à des émeutiers en nombre – entre cent et cent cinquante –, ils reçoivent l’ordre de tenter la prise frontale d’une barricade incendiée derrière laquelle ont lieu des pillages. Des cocktails Molotov puis une pluie de projectiles scindent le groupe en deux. « On a pris la foudre. Je n’ai jamais vu une intensité pareille, sauf en Corse [après l’assassinat d’Yvan Colonna en prison en 2022] », témoigne le major, vingt-neuf années d’expérience, dont les émeutes urbaines de l’automne 2005.


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Dans le chaos des violences, il se retrouve avec quatre autres CRS, isolés. « Ma grande peur, ça n’est pas de faire une erreur, c’est d’avoir un blessé chez moi. » Le blessé, ce sera lui. Un pavé le touche sous la nuque, au niveau des cervicales. Il ne tombe pas et continue pendant une heure, porté par l’adrénaline. Des renforts viennent à la rescousse des CRS isolés, et ils peuvent s’extraire. Mais lorsque Stéphane Barthélemy dépose les armes et le casque, au milieu de la nuit, ses jambes ne répondent plus, il ne parvient pas à se relever. Diagnostic aux urgences de l’hôpital : commotion cérébrale et entorse cervicale, soit trente-cinq jours d’arrêt de travail. Le major a été décoré, sa sixième médaille. Même si les vertiges persistent, il s’est remis de cette blessure, la quinzième de sa carrière, pas la plus grave.


Statistiques édifiantes

La douleur n’est pas seulement physique, elle est également morale pour ce fonctionnaire qui passe son temps libre à s’entraîner et à potasser la doctrine pour décrocher une place dans les unités d’élite des CRS : « J’ai vu la peur dans les yeux de mes collègues. Et j’ai senti la bouffée de haine face à nous, l’intention de tuer. » Des insultes aussi : « Sale Blanc », « enculé de Français ». Comme du sel sur une plaie béante. Il s’interrompt un instant dans sa narration : « Je déteste quand on me traite de “pute à Macron”. Je suis là pour servir celui qui a été élu – j’ai fait Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande. » Des insultes plus douloureuses encore dans une compagnie où un homme de 50 ans s’est suicidé en janvier, puis un deuxième en septembre.


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Le récit officiel des émeutes est celui de la maîtrise. La communication gouvernementale a insisté sur les quarante-cinq mille policiers mobilisés et le retour de l’ordre bien plus rapide qu’en 2005, ce qui est exact. Mais la situation a été, en réalité, beaucoup plus critique, chaotique, à la limite de la rupture, avec des agents confrontés à des attaques extrêmement violentes, parfois proches du lynchage, ciblés par des mortiers d’artifice, des pierres, des cocktails Molotov, voire des armes à feu comme à Nîmes ou à Vaulx-en-Velin (Rhône).



Des policiers du RAID en intervention lors des émeutes à Vaulx-en-Velin (Grand Lyon), le 29 juin 2023. BRUNO AMSELLEM / DIVERGENCE POUR « LE MONDE » 

Les statistiques sont édifiantes sur le plan matériel comme humain : deux cent quarante commissariats dégradés ou attaqués, des centaines de véhicules abîmés ou rendus inutilisables et, plus grave, au moins sept cents policiers blessés. Dans le nombre, beaucoup de blessures superficielles d’un point de vue médical, des contusions notamment, mais au moins soixante-dix blessés sérieux sur tout le territoire, sans que leur état de santé précis ait été communiqué. Côté émeutiers ou témoins, aucun recensement officiel n’a été effectué, mais l’inspection générale de la police nationale (IGPN) enquête sur une trentaine de dossiers mettant en cause des forces de l’ordre : un homme est mort à Marseille et au moins huit personnes ont été grièvement blessées, certaines ayant perdu un œil.


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Plus que les chiffres, ce sont les récits des violences qui sidèrent, jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie du ministère de l’intérieur : les pluies incessantes de mortiers – au moins trente blessés sérieux –, les ravitaillements des émeutiers par des camionnettes, les destructions de caméras de vidéosurveillance… « Il y a une nuit où tous les commissariats de Seine-Saint-Denis ont été attaqués », relève un haut fonctionnaire. Des policiers ont témoigné à leur hiérarchie leur peur de ne pas tenir alors que leurs bâtiments subissaient des assauts de dizaines d’individus cagoulés. D’autres sont convaincus que le calme est revenu grâce à leur travail, mais également en raison des consignes données par les trafiquants de drogue, gênés dans leur « business » par les émeutes, qui rebutent la clientèle, et inquiets d’une présence durable des forces de l’ordre.


« Ce qui m’a frappé, c’est ce que m’ont dit des policiers sur le terrain, relate au Monde Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale (DGPN). Tous, tous, tous ont dit : “On n’a jamais vu ça.” Même ceux confrontés à 2005. Ils ont tous été marqués par cette détermination chez les émeutiers à se préparer, à aller au contact des policiers pour faire mal. Les fois précédentes, s’il y avait contact, c’est en général les policiers qui en prenaient l’initiative. Là, ce sont eux qui sont venus. Ce qui était manifestement nouveau, aussi, c’est l’aspect coordonné et préparé de certaines actions. »


« On a pris cher »

Bruno, major de 51 ans, est un des cadres de la BAC dans la banlieue est de Lyon, notamment des secteurs de Villeurbanne et Vaulx-en-Velin. Il rencontre Le Monde en dehors de son commissariat pour gérer ses émotions – la veille, des larmes lui sont venues en repensant aux nuits sans sommeil et aux questions de son fils de 8 ans, effrayé par les blessures successives de son père. Le major évoque Vaulx-en-Velin et le quartier du Mas-du-Taureau, épicentre des tensions. « On savait qu’ils voulaient s’en prendre à la médiathèque, c’est une vitrine », se souvient-il.


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Deux blindés et un demi-escadron de gendarmes mobiles sont mobilisés, les BAC aussi. Sur une charge, Bruno tombe et se fait une entorse au genou – plusieurs semaines d’arrêt. Sur son téléphone, il montre une photo où un policier reçoit, quelques semaines plus tôt, une poubelle sur la tête pendant une manifestation contre la réforme des retraites – c’est lui. Puis un autre cliché d’un énorme hématome sur son bras – une autre manifestation cette année. « Mon fils l’a très mal vécu, la maîtresse nous a fait un mail. » Il se dit qu’il devrait lui-même aller consulter pour évacuer cette tension.


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« De chasseurs, on est passé à chassés », résume-t-il en une formule pour traduire la volonté des assaillants d’en découdre. « La phrase qui est revenue sans cesse dans la bouche des collègues, c’est : “On a pris cher.” » Les émeutiers s’étaient organisés pour tenir « une ligne de feu » avec une trentaine de tireurs, ravitaillés par l’arrière, décrit-il. « On a vu des collègues de Vaulx-en-Velin être poursuivis par un groupe de quatre-vingts jeunes – on a réussi à les stopper. Dès qu’ils voyaient qu’on reculait ou qu’on n’avait plus assez de munitions, ils déclenchaient des charges. » Une des nuits d’émeutes dans cette même ville de la banlieue lyonnaise, deux hommes à scooter ont tourné dans le quartier, s’abritant dans la foule, pour tirer avec un fusil sur les policiers. « Tout le monde a reculé, tout le monde a eu peur. » Sur les douze fonctionnaires de la BAC ouest, neuf sont restés en tenue de maintien de l’ordre, trois se sont équipés avec des gilets lourds et des armes lourdes – ils apprendront plus tard que le fusil des hommes à scooter tirait de la grenaille.


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Cette intensité éclaire la crise ouverte en juillet après l’incarcération provisoire d’un gardien de la paix de la BAC de Marseille mis en examen pour violences, laquelle suivait le placement en détention provisoire du brigadier auteur du tir mortel contre Nahel M., à Nanterre. « Avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail », avait alors déclaré le DGPN, Frédéric Veaux, au Parisien pour tenter d’apaiser ses troupes – ce qui avait plutôt fonctionné mais allumé un autre incendie avec le monde judiciaire, très remonté contre cette remise en cause de la séparation des pouvoirs. Dans le même entretien, une phrase était passée inaperçue : « Dans cette situation proche du chaos, ils ont fait preuve de courage physique et moral, et d’un engagement total », affirmait M. Veaux.


Extension du domaine de l’émeute

« Le chaos » et « le courage ». Il faut écouter les syndicalistes sur ce point – eux aussi craignent de perdre leur base, inquiets face à la radicalisation d’une partie des troupes. « Des milliers de récidivistes ne vont pas en prison. Nous, on va en prison », pointe Rudy Manna (Alliance). « Vous vous engagez parce qu’on vous demande de rétablir l’ordre public coûte que coûte, poursuit le syndicaliste. In fine, le responsable, c’est le soldat envoyé par le général. Ceux qui défendent la nation, ils vont en prison. » Jérôme Moisant (Unité SGP-Police) l’exprime avec d’autres mots : « Les collègues sont fatigués. Ce sont des séquences qui se répètent, très longues et avec une violence croissante. Dans les villes touchées, ils ont eu le sentiment de tenir la République à bout de bras. Et une fois le calme revenu, on fait une opération “linge propre” avec des collègues qui ont l’impression d’être des lampistes. » Thierry Clair (UNSA-Police) : « Il y a à la fois de la colère et de la résignation. La police est jugée responsable d’un peu tout. On nous aime à l’extrême, on nous déteste à l’extrême. On ne comprend pas qu’on ne soit pas compris. »


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Les émeutes ont frappé des villes un peu partout sur le territoire, comme une extension du domaine de l’émeute, dont certaines (Montargis, Laval, Roanne…) ne figuraient pas sur les zones considérées « à risque ». Là aussi, les récits des fonctionnaires ont saisi les autorités. Yves Cellier, 46 ans, est commissaire divisionnaire, directeur départemental de la police dans le Doubs. Le deuxième soir des émeutes, il accompagne une équipe de la BAC dans les quartiers de Montbéliard – ils sont quatre, à pied, et vont essuyer des vagues de mortiers d’artifice alors qu’ils interviennent sur un incendie. « Nous avons été pris sous le feu. On s’est abrités derrière des arbres, mais ce n’était pas tenable. Nous avons donc décidé de traverser la rue en courant. Je suis percuté par un mortier tiré à moins de 20 mètres et je tombe sur l’arête du trottoir. » Bilan : l’épaule sérieusement touchée, quarante-cinq jours d’ITT [incapacité temporaire de travail]. Mais le commissaire ne s’est pas arrêté de travailler.



Des policiers sont visés par des feux d’artifice, à Nanterre, le 30 juin 2023. ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Le lendemain, toujours à Montbéliard, plusieurs collègues sont blessés. « Ils étaient une quinzaine pour défendre le tribunal, que les émeutiers – sans doute autour de soixante-dix – voulaient incendier. » L’exploitation a posteriori de la vidéosurveillance a montré qu’un homme aurait tiré avec une arme de poing, probablement du 9 mm, vers les policiers, sans les atteindre. Dans un quartier de Besançon, les agents ont mis la main sur des cocktails Molotov stockés sur un toit. Ils ont également saisi cinquante mille mortiers d’artifice dans un camion.


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Le ressentiment policier vient de loin et ne se limite pas à la séquence des émeutes. Il est alimenté par tous les blessés au quotidien, comme ce fonctionnaire frappé par un groupe d’hommes à Stains, le 17 septembre, cet agent renversé et traîné par une voiture à Sochaux, le 21 septembre. Autant d’histoires instantanément partagées sur les groupes WhatsApp, Telegram ou qui remontent avec les algorithmes de Facebook.


La colère se nourrit aussi de l’accumulation des violences collectives subies ces dernières années lors des défilés contre la loi « travail », face aux « gilets jaunes », ou encore pendant les manifestations contre la réforme des retraites. « Depuis dix ans, les forces de l’ordre sont en permanence sous tension, estime Me Thibault de Montbrial, avocat de nombreux fonctionnaires. Depuis la vague terroriste de 2015, cela ne s’est jamais arrêté. Il n’y a plus de moment où la police et la gendarmerie peuvent déposer les armes. La tension opérationnelle est permanente, sans qu’ils perçoivent le soutien manifeste de la population, même si, de fait, ce soutien existe. »


La mémoire des morts

Me Laurent-Franck Liénard, un autre avocat familier des forces de l’ordre, défenseur du motard auteur du tir mortel contre Nahel M. à Nanterre, abonde : « La violence contre les policiers est de plus en plus prégnante. C’est pour eux un vrai abîme moral quant au sens de leur métier. Quand vous faites tous les jours un métier impossible, c’est dévastateur. Le moral décline de façon vertigineuse. Le problème, c’est que, aujourd’hui, faire appliquer la loi n’est plus acceptable socialement. » Me Anne-Laure Compoint, une autre figure parmi les avocats, use de sa liberté de parole, ce que les fonctionnaires ne peuvent faire, soumis au devoir de réserve et à l’injonction de ne pas déranger leur hiérarchie : « Les policiers, après coup, on leur dit : “Vous avez mal fait” et un juge décortique chaque seconde de leurs actions. Ils se retrouvent à rendre des comptes seuls alors qu’un ministre était content de les trouver, que le pouvoir politique a besoin d’eux. »


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X., un brigadier-chef de 43 ans, nous reçoit dans un bureau rempli de cartons, au premier étage du commissariat central de Toulouse. Vingt ans de carrière entre la banlieue parisienne, Marseille et donc Toulouse, où il a vécu les émeutes au plus près. « Quand c’est parti, c’est parti très fort, très vite. Les réseaux sociaux font que tout le monde voit tout : des guets-apens, des commerces pillés, des choses en train de brûler. Cela a donné des idées à plein de gens qui ont voulu participer à cette sorte de fête nationale. »


Dans la nuit du 28 juin, après une série de charges et de courses dans la cité du Mirail, il s’est approché de deux personnes cachées sur un balcon, au premier étage d’un immeuble. L’une d’elles, un homme, lui a sauté dessus « les genoux en avant » pour tenter de s’échapper. Diagnostic : luxation au niveau des épaules et entorse cervicale, un mois et demi d’arrêt forcé. « Emotionnellement, on fait un métier difficile. C’est lourd. On est confronté à une accumulation de violences et de souffrances. Quand j’entends les slogans “la police tue”, “la police mutile”, ça fait mal. » Les blessures ? Dans son poste précédent, à la BAC de Marseille, il avait été heurté par un scooter dont le pilote avait refusé de s’arrêter. Un an d’arrêt, et le moral en berne. « Mon travail, je n’en parle pas avec mes enfants. » Comme beaucoup, même s’il a reçu l’autorisation de s’exprimer, il ne veut pas être identifié, pour protéger sa famille.


Confrontés aux attaques de leurs commissariats, les agents se sont retrouvés en position d’assiégés, qui plus est avec le sentiment d’être maltraités par le gouvernement, les médias et une partie du monde politique, notamment La France insoumise. « Lorsque les policiers sont menacés ou agressés hors service, lorsque des commissariats sont attaqués, comme pendant les émeutes, les violences peuvent être ressenties de façon plus personnelle avec le sentiment qu’on vient atteindre les policiers dans leur base familiale ou sur leur lieu de travail », constate Catherine Pinson, cheffe du service de soutien psychologique opérationnel, un dispositif mis en place depuis 1996 et passé d’une poignée de psychologues à plus de cent vingt aujourd’hui.


La Mutuelle générale de la police note également un accroissement régulier du recours aux consultations – elle rembourse désormais jusqu’à dix rendez-vous par an avec un psychologue. « Le choix de devenir policier est un choix de vocation, insiste son président, Benoît Briatte. Quand on les montre du doigt, ils le vivent mal. C’est comme une famille, elle se retrouve ensuite dans un sentiment commun de vivre une injustice. »


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Les critiques sont incomprises, tout comme l’expression même de « violences policières ». « Quand les médias ne parlent pas des violences au quotidien, c’est une forme de déni. Pour les émeutiers, la cible, c’étaient les policiers et tout ce qui représente la sphère publique », s’agace devant Le Monde Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris. « Le recours à la violence par les forces de l’ordre est légitime dès lors que celle-ci est proportionnée, ajoute-t-il. C’est uniquement la justice qui est compétente pour en juger. Mais elle ne doit pas être polluée par une présomption de culpabilité. Si on délégitime la force publique, c’est très grave. »



Dans une rue de Nanterre, le 28 juin 2023. ZAKARIA ABDELKAFI / AFP

Depuis vingt ans, les quartiers se sont construit une mémoire commune de leurs morts ou de leurs blessés – Nahel M. à Nanterre, Théo à Aulnay-sous-Bois, Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois, Mouhsin et Laramy à Villiers-le-Bel, Amine à Noisy, Adama Traoré à Beaumont-sur-Oise –, avec le sentiment d’être confrontés à une forme d’impunité des forces de l’ordre. Le monde policier, de son côté, s’est aussi construit sa propre mémoire des morts, des blessés, des agressions, et avec ce même sentiment que les agresseurs bénéficient d’une forme d’impunité.


« Insécurité juridique »

L’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile à Magnanville en 2016 par un terroriste islamiste – un des complices du tueur est jugé depuis le 25 septembre aux assises de Paris – a bouleversé l’ensemble des troupes, tout comme l’affaire des agents grièvement brûlés par un cocktail Molotov à Viry-Châtillon en 2016, l’assassinat d’un policier par un djihadiste sur les Champs-Elysées en 2017, le meurtre d’une employée d’un commissariat à Rambouillet en 2021, ou encore le décès de trois jeunes policiers de Roubaix, en mai, percutés par un chauffard positif à l’alcool et aux stupéfiants. « Cet assassin a blessé l’intégralité de la police nationale », avait résumé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans une formule révélatrice de l’esprit de corps.


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En matière de violences policières, chaque camp se raconte sa propre certitude, chacun demeure dans sa boucle sociale et médiatique où les vérités ne se rencontrent plus. La culpabilité du brigadier deuxième échelon ayant tiré sur Nahel M. ne fait pas de doute pour une partie de l’opinion, heurtée par la brutalité de la scène. Elle n’est pas évidente pour une partie des fonctionnaires de police qui refusent de se prononcer sur une séquence vidéo et se demandent tous ce qu’ils auraient fait dans les mêmes circonstances. « Ils sont placés dans une situation de fragilité physique, psychologique, juridique, constate un cadre de l’IGPN, en première ligne sur ces questions. Qu’il s’agisse de la doctrine du maintien de l’ordre ou de la loi de 2017 sur les refus d’obtempérer, les policiers, sur le terrain, ne sont pas tellement aidés pour savoir quels choix ils doivent effectuer dans des situations très concrètes. »


David Barbas, major de 52 ans, donne rendez-vous à deux pas du commissariat de Rennes, dans un quartier où les manifestations avaient été particulièrement dures pendant le mouvement des retraites. Le policier garde également en mémoire les « Suicidez-vous ! » entendus pendant les manifestations de « gilets jaunes » en 2018. Un souvenir douloureux : dans sa carrière, trois collègues, dont un ami proche, se sont donné la mort.


Pendant les nuits d’émeutes, dans un autre quartier de la ville, lui et ses hommes ont été confrontés à une forme de « guérilla », selon ses mots : « En face, ils étaient sacrément équipés. C’était préparé, on était bien au-delà des violences urbaines. » Au moment d’interpeller un émeutier, il a chuté, se blessant à la main. « On s’en est pris plein la figure, un feu nourri de mortiers. J’ai dit : “On arrête, on recule.” Nous nous sommes abrités derrière une palissade. Mais c’était très chaud, on était franchement en difficulté. Le RAID [unité de recherche, d’assistance, d’intervention et de dissuasion] est arrivé, ils nous ont sauvé la peau. » Le placement en garde à vue d’hommes du RAID, à Marseille, puis leur mise en examen, pour un tir de lanceur de balles de défense (LBD) à l’origine de la mort d’un homme, l’ont fait bondir. Le brigadier de Nanterre ? « Dans sa situation, je ne sais pas ce que j’aurais fait. Et si le conducteur était reparti et avait renversé une mère de famille ? On pouvait nous le reprocher aussi. »



Le sommet de la hiérarchie doit aujourd’hui s’assurer que l’engagement des fonctionnaires ne faiblira pas et qu’ils reviendront en première ligne lorsque le pouvoir exécutif le leur demandera. Frédéric Veaux, le DGPN : « L’insécurité physique s’est aggravée, mais elle est dorénavant doublée d’une insécurité juridique sur laquelle les policiers s’interrogent beaucoup. A la lumière de ce qui s’est passé, ils ne peuvent pas se demander à chaque fois qu’ils agissent s’ils risquent de se retrouver seuls responsables devant la justice. » Le préfet de police et ancien secrétaire d’Etat à la sécurité, Laurent Nuñez : « Cette idée que les émeutiers et les forces de l’ordre soient mis sur le même plan, les policiers ne le supportent plus. Ils ont raison, cela crée un sentiment d’injustice alors même qu’ils sont en première ligne dans la crise d’autorité que vit ce pays. »


Les deux hauts fonctionnaires défendent une ligne dure. Celle que réclame un commissaire divisionnaire à propos des émeutiers : « Des voyous qu’il faut traiter comme des voyous. » Le DGPN le dit avec des mots choisis mais très fermes : « Nous ne sommes pas en maintien de l’ordre, martèle M. Veaux. Ce n’est pas le schéma national de maintien de l’ordre qui s’applique pendant ce type d’événements, ce ne sont même pas des violences urbaines. Ce sont des émeutes, des pillages, des destructions, des agressions. Nous sommes face à une délinquance de très grande intensité. » Autrement dit, le code pénal, rien que le code pénal, mais tout le code pénal, y compris la légitime défense. Samedi 23 septembre, dans les rues de Paris, en marge d’une manifestation contre les violences policières, un agent en tenue a sorti son arme, sans l’utiliser, face à des manifestants qui attaquaient son véhicule. Ceux-ci ont reculé, et le préfet de police a salué le « professionnalisme » et le « sang-froid » des fonctionnaires agressés.

Tuesday 26 September 2023

«Il mondo non può perdere l’Ucraina e, forse ancora meno, la può perdere l’Asia», diceva qualche giorno fa un politico giapponese. A Tokyo, il sostegno agli sviluppi della controffensiva di Kiev e le ansie per i destini della guerra crescono. A raccontarlo sono le bandiere azzurre e gialle in alcuni bar e i piccoli biglietti degli stessi colori annodati ai rami degli alberi di qualche tempio. Soprattutto, c’è che il governo di Fumio Kishida appare via via più preoccupato. E gli stessi suoi timori sono condivisi a Seul, a Canberra, a Singapore, in parte a Delhi e, naturalmente, a Taipei.

Il dubbio che si è infiltrato nella conversazione politica dei Paesi democratici dell’Asia riguarda la determinazione dell’Occidente, in particolare degli Stati Uniti, nel sostenere fino in fondo l’obiettivo di Volodymyr Zelensky di sconfiggere Vladimir Putin. La paura è che, per stanchezza delle opinioni pubbliche o per eventi politici, americani ed europei cedano alla «fatica della guerra» e accettino un compromesso sulla testa degli ucraini che alla fine potrebbe risultare come una vittoria o una mezza vittoria per l’aggressore russo. A Tokyo e in altre capitali della regione si è certi che uno sviluppo del genere porterebbe in tempi non lunghi a una prova di forza da parte di Pechino contro Taiwan.

Nella lettura del leader cinese Xi Jinping, si tratterebbe di un cedimento che conferma la sua analisi del declino dell’Occidente, della sua debolezza, della sua incapacità di continuare a difendere l’ordine liberale internazionale: il seguito del rovinoso ritiro americano dall’Afghanistan. Il momento buono per colpire le democrazie anche in Estremo Oriente: in una delle più solide dell’Asia, Taiwan.

I motivi di allarme si moltiplicano. Nei giorni scorsi, la Cina ha intensificato le sue azioni aeree e navali attorno ai cieli e alle acque taiwanesi: l’isola terrà le elezioni presidenziali a metà del prossimo gennaio e Pechino tenta di influenzarne l’esito anche con queste manovre, oltre che con un cocktail di minacce economiche e di promesse di glorioso futuro se il Paese si sottometterà al potere cinese. In estate, Pechino e Mosca hanno tenuto un’esercitazione navale nel Mar del Giappone. L’incontro tra Vladimir Putin e il dittatore della Corea del Nord Kim Jong-un (a sua volta legato a Pechino) ha creato preoccupazioni ovunque, in particolare a Seul, a Tokyo e a Taipei. Gli incontri tra ministri della Repubblica Popolare e il leader del Cremlino (e i suoi militari) sono sempre più frequenti. In generale, anche la sembianza di equidistanza cinese tra Russia e Ucraina è ormai venuta meno e la lettura che se ne dà nelle capitali dell’Estremo Oriente è che una vittoria o una mezza vittoria di Putin aprirebbe nuove opportunità a Pechino per intensificare la propria egemonia nei mari asiatici, per accrescere la pressione su Taiwan e per cambiare gli equilibri nell’intero bacino Indo-Pacifico. La collaborazione militare tra Cina e Russia «pone una grave preoccupazione per la sicurezza del Paese», è scritto in un documento approvato dal governo nipponico.

L’analisi che ci sia un filo diretto tra i destini dell’Ucraina e di Taiwan è insomma sempre più forte tra i governi dei vicini della Cina. E le timidezze che alcuni governi occidentali iniziano a mostrare nel sostegno a Kiev accrescono il loro senso di allarme: oggi, il pericolo di una guerra nelle loro acque è considerato reale. Il primo ministro giapponese Fumio Kishida ha deciso di creare, all’interno della revisione della Strategia di Difesa Nazionale, un comando unitario dei tre rami delle Forze di Autodifesa del Paese. In più, il Giappone sta aumentando gli investimenti in stock di armi in preparazione di un possibile conflitto che parta da un’aggressione a Taiwan e si espanda all’arcipelago nipponico. La preoccupazione sudcoreana è, a sua volta, provata dall’inattesa decisione del presidente Yoon Suk Yeol di partecipare all’incontro di Camp David con Joe Biden e con lo stesso Kishida, nonostante i rapporti da sempre tesi di Seul con Tokyo.

Più che i recenti tentennamenti nell’appoggio a Kiev da parte di alcuni Paesi dell’Est europeo, a preoccupare i governi democratici dell’Asia è la discussione politica che si sta sviluppando negli Stati Uniti, resa acuta dall’avvicinarsi della campagna elettorale per le presidenziali americane del novembre 2024. È ritenuta particolarmente sbagliata l’idea, sostenuta da una parte del partito repubblicano ma non solo, che si debba cessare di sostenere l’Ucraina per dirottare i fondi sul confronto con il reale avversario di Washington, cioè Pechino. A Tokyo come a Taipei prevale la convinzione che sia vero il contrario: abbandonare Kiev significherebbe fare sapere a Xi Jinping che gli Stati Uniti e l’Occidente non difendono gli alleati e i Paesi democratici. E che probabilmente reagirebbero blandamente se la Cina attaccasse in qualche modo Taiwan (che considera una provincia ribelle da riportare sotto il proprio controllo). Pure a Tokyo si spera in una ripresa di colloqui tra Pechino e Washington, anche sulla scia delle difficoltà che sta incontrando l’economia cinese. Al momento, però, prevale la convinzione che Xi continui a puntare sull’amico Putin per avere conferma del declino occidentale. E che perdere l’Ucraina significherebbe perdere Taiwan, minacciare il Giappone e sconvolgere gli equilibri nell’intero Indo-Pacifico.

 

China ‘de-risk­ing’ strategies start to take shape

Some west­ern groups are pulling out as ten­sions build, while oth­ers seek to pro­tect them­selves by loc­al­ising oper­a­tions

Volkswagen has announced €4bn worth of investment in China in the past year but toymaker Hasbro is among businesses in retreat

West­ern com­pan­ies are slowly insu­lat­ing their China oper­a­tions from mount­ing ten­sions over trade and geo­pol­it­ics between Beijing and the west, as gov­ern­ments call for increased “de-risk­ing”.

The notion, which has replaced the rad­ical “decoup­ling” as a dip­lo­matic buzzword this year, is a sign that the west is seek­ing a less ant­ag­on­istic approach to man­aging rela­tions with China. But busi­nesses have yet to for­mu­late clear strategies to give it sub­stance, ana­lysts say.

While a small num­ber of com­pan­ies such as US toy­maker Has­bro have announced plans to quit man­u­fac­tur­ing in China, the vast major­ity are still weigh­ing up options, which range from par­tial divest­ment to delayed spend­ing decisions and ways to make China oper­a­tions dis­rup­tion-proof by hav­ing them serve only the Chinese mar­ket.

“Europe is still think­ing about what de-risk­ing is and how to imple­ment it in prac­tice,” said Agathe Demarais, senior policy fel­low at the European Coun­cil on For­eign Rela­tions. “Over the past year there’s been much more private sec­tor talk of loc­al­isa­tion strategies as a form of de-risk­ing, but it takes sev­eral years for invest­ment to come to fruition.”

Beijing’s pan­demic lock­downs and Moscow’s assault on Ukraine have intens­i­fied the sense of urgency as west­ern lead­ers fret about China’s dom­in­ance of key sup­ply chains, the poten­tial for a clash over Taiwan, and trade hos­til­ity between Wash­ing­ton and Beijing. Yes­ter­day, EU trade com­mis­sioner Valdis Dom­brovs­kis was due to meet Chinese offi­cials to dis­cuss the EU’s grow­ing trade defi­cit with China and the EU anti-sub­sidies invest­ig­a­tion into EV imports.

There are emer­ging signs of longerterm shifts in pro­duc­tion. A report this year by the European Cham­ber of Com­merce in China found that 11 per cent of European busi­nesses sur­veyed had already real­loc­ated invest­ments out of China, while 22 per cent had decided to or were con­sid­er­ing such a shift. For the first time since 2016, less than half of respond­ents planned to expand their oper­a­tions in China this year.

The Amer­ican Cham­ber of Com­merce in China found this year that 12 per cent of US groups sur­veyed were con­sid­er­ing relo­cat­ing sourcing out­side China, with another 12 per cent already doing so.

“Most com­pan­ies have no altern­at­ive to China”, said Trey McArver at con­sultancy Trivium China, but “they have to find strategies for oper­at­ing in an envir­on­ment of much higher risk”.

Apple and Intel have alloc­ated future invest­ments to other loc­a­tions includ­ing India or south-east Asia while main­tain­ing their China plants, in a hedging strategy known as “China plus one”.

But the most con­tem­plated strategy is “China for China”, whereby China oper­a­tions are reor­gan­ised so they pro­duce goods only for domestic con­sump­tion.

Anglo-Swedish drug­maker AstraZeneca is draw­ing up plans to spin out its China arm and list it in Hong Kong, partly to insu­late it against reg­u­lat­ory moves against for­eign groups. Gov­ern­ment pro­cure­ment guidelines mean state bod­ies, includ­ing hos­pit­als, must increas­ingly buy from Chinese brands.

“China for China” also involves loc­al­ising sup­ply chains. Ger­man phar­ma­ceut­ical com­pany Merck said in May it would expand its Chinese sup­ply chains to reduce reli­ance on raw mater­i­als from out­side China, par­tic­u­larly the US, which are vul­ner­able to sanc­tions.

Ger­man machinery asso­ci­ation VDMA has found that more than a third of its mem­bers are look­ing for altern­at­ive sup­pli­ers so they can ser­vice both the US and Chinese mar­kets with “neut­ral” products without Chinese or US com­pon­ents.

Volk­swa­gen, which relies on China for about half its profits, has announced €4bn worth of invest­ment in the coun­try in the past year. The move would give “more autonomy and decision­mak­ing powers in China than ever before”, said Beijing-based board mem­ber Ralf Brandstätter. The Chinese busi­ness was “gradu­ally becom­ing a second headquar­ters” for the global group, he added recently.

While the US, Neth­er­lands and Japan have imposed sanc­tions on exports of high-tech chip­mak­ing equip­ment to Chinese groups, some Chinese cli­ents want products without for­eign-made com­pon­ents in order to future-proof them­selves against fur­ther meas­ures, accord­ing to exec­ut­ives.

French-Italian chip­maker STMi­croe-lec­tron­ics in 2021 sep­ar­ated its Chinese sales and mar­ket­ing func­tions from the rest of its Asia-Pacific divi­sion, along with its payroll, staff man­age­ment and report­ing struc­tures, accord­ing to two people famil­iar with the com­pany.

The decision was partly aimed at mak­ing it easier for the com­pany to carve out its China arm should it need to, they said. The reor­gan­isa­tion is designed “to bet­ter bal­ance our cus­tomer focus and sup­port”, STMi­cro­elec­tron­ics said. A focus on local hires had already star­ted dur­ing the pan­demic, as Beijing’s zero-Covid policy pre­ven­ted mul­tina­tion­als from send­ing expat­ri­ates to their Chinese busi­nesses.

For some for­eign exec­ut­ives who had been in China for the long haul, mak­ing a life there has also become harder.

“The anti-for­eigner sen­ti­ment is the worst in the 30 years I’ve been in China,” said one European tech exec­ut­ive, who is mak­ing plans to leave. “I see con­stantly this sen­ti­ment in the news, in social media com­ments, when speak­ing with people and cus­tom­ers. I can’t shut my ears to this.”

Con­sultan­cies such as McKin­sey and Boston Con­sult­ing Group are among busi­nesses sep­ar­at­ing their Chinese IT sys­tems. This is a res­ult of increas­ingly strin­gent anti-espi­on­age and data pro­tec­tion laws that mean com­pan­ies require reg­u­lat­ory approval to trans­fer large amounts of data out of China.

“The “risk” is com­ing from many dir­ec­tions, said Samm Sacks, an expert on global cyber policy at Yale Law School’s Paul Tsai China Cen­ter. She cited “uncer­tain­ties in Beijing’s new data regime but also as a response to USChina ten­sions as well as Taiwan crisis con­tin­gency plan­ning”.

In order to com­ply with Chinese laws, as well as headquar­ters’ con­cerns over data theft, com­pan­ies have turned towards cre­at­ing China-spe­cific IT sys­tems — often mean­ing teams can­not use the same plat­form to work together across bor­ders.

“China is increas­ingly treated as a spe­cial mar­ket, includ­ing for host­ing of data, export­ing of data, and expos­ure for exec­ut­ives vis­it­ing — includ­ing the devices they take with them,” said Duncan Clark, head of con­sultancy BDA China.

“If China is a silo,” added the European tech exec­ut­ive, “it’s much more easy to con­trol what info enters and what leaves: you just need a few doors on the silo to con­trol.”