Commentary on Political Economy

Tuesday 14 April 2020

Coronavirus : les Africains de Canton victimes de stigmatisation

A l’heure où la Chine craint la réimportation du Covid-19, les actes racistes se multiplient. Cette dégradation nuit à l’image de Pékin dans un continent où il investit massivement.
Par  Publié le 12 avril 2020 à 17h08, mis à jour hier à 15h53
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Dans le quartier de Little Africa, à Canton (Chine), en mars 2018.
Dans le quartier de Little Africa, à Canton (Chine), en mars 2018. FRED DUFOUR / AFP
« Interdit aux Noirs. » Depuis début avril, l’apparition d’affiches portant cette inscription à l’entrée de magasins ou de résidences du sud de la Chine ainsi que la multiplication d’actes racistes envers les Africains, notamment à Canton, ont pris suffisamment d’ampleur pour devenir un réel problème pour la diplomatie chinoise, placée sur la défensive.
Alors que le pays vit dans la hantise d’une deuxième vague de coronavirus, cette fois importée de l’étranger, cinq Nigérians porteurs du virus auraient fréquenté en mars plusieurs restaurants et lieux publics de Canton, incitant les autorités locales à tester ou placer en quarantaine environ 2 000 personnes avec lesquelles ils avaient été en contact.
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Selon certains médias, ces Nigérians n’auraient pas respecté la quarantaine à laquelle ils étaient soumis, ce qui n’a fait qu’accroître les commentaires racistes sur Internet ainsi que les tensions locales. Depuis quelques jours, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux d’Africains chassés de leur logement et contraints de dormir dans la rue parce qu’aucun hôtel ne les accepte.

Inquiétude des diplomates

Ces incidents locaux surviennent alors qu’une vidéo raciste a circulé en Chine durant plusieurs jours début avril, comparant les étrangers à des déchets qu’il fallait mettre à la poubelle. Dans ce film d’animation, deux personnages, un blond et un noir, sont victimes de quolibets, toute la question étant – pour les éboueurs chinois – de savoir s’il convient de les jeter dans les ordures recyclables ou non.
Pour une partie de la population chinoise, ce sont les étrangers qui, globalement, sont considérés « à risque »
Selon les autorités de Canton, sur 86 475 étrangers vivant dans cette ville à la fin de 2019, 13 652 venaient d’Afrique. Dimanche, le maire de Canton a dû organiser une conférence de presse pour affirmer qu’il n’y a pas de discriminations à l’égard des étrangers. Alors que les frontières du pays sont fermées aux étrangers depuis le 27 mars, l’immense majorité des « cas importés » le sont par des Chinois de retour de l’étranger. Pour une partie de la population chinoise, ce sont pourtant les étrangers qui, globalement, sont considérés « à risque ».
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Le sort actuellement réservé aux Africains dans le sud de la Chine a poussé plusieurs diplomates et responsables politiques africains à exprimer leur inquiétude, voire à critiquer Pékin. « Mon bureau a invité l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union africaine [UA], Liu Yuxi, pour lui exprimer notre extrême inquiétude au sujet des allégations de mauvais traitements d’Africains à Canton », a indiqué le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, sur son compte Twitter officiel. Mon bureau « a appelé à des mesures rectificatives immédiates, dans la droite ligne de nos excellentes relations », poursuit le président de l’exécutif de l’UA.

« Discrimination »

De même, la vidéo postée par le speaker de la Chambre des représentants du Nigeria, Femi Gbajabiamila, montrant un extrait de la conversation qu’il a eue avec l’ambassadeur de Chine, rencontre un franc succès sur les réseaux sociaux. L’ambassadeur chinois n’y semble pas très à l’aise.
Selon l’agence Reuters, plusieurs ambassadeurs africains en poste à Pékin ont écrit au ministre chinois des affaires étrangères pour se plaindre de la « stigmatisation et de la discrimination » dont leurs ressortissants font actuellement l’objet. Ils demandent « l’arrêt immédiat des tests forcés, de la quarantaine et autres traitements inhumains imposés aux Africains ».
Alors que la Chine aime mettre en avant la solidarité « sud-sud » qui l’unit à l’Afrique et qu’elle multiplie les investissements sur ce continent négligé par les Etats-Unis, ces incidents, même locaux, pourraient nuire à son image. Washington s’est d’ailleurs immédiatement engouffré dans la brèche. « Les abus et les mauvais traitements subis par les Africains vivant et travaillant en Chine nous rappellent cruellement à quel point le partenariat entre l’Afrique et la République populaire de Chine est creux », a déclaré samedi un porte-parole du département d’Etat.

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