Commentary on Political Economy

Saturday 24 June 2023

XI IS XITTING HIMSELF

La mise à nu de la Russie de Poutine

ÉDITORIAL

Le Monde


La décision d’Evgueni Prigojine, patron de la milice Wagner, de déclencher une mutinerie contre l’armée, vendredi 23 juin au soir, met en évidence, dix-mois après le début de l’offensive russe en Ukraine, la réalité d’un Etat réduit à la compétition mortifère de factions.


Publié aujourd’hui à 10h42   Temps deLecture 2 min.



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Il était encore bien trop tôt, samedi matin 24 juin, pour deviner l’issue de la rébellion armée décidée la veille par Evgueni Prigojine. En lançant les mercenaires de sa milice privée, Wagner, à l’assaut de forces armées régulières accusées de travailler contre les intérêts de la population russe, celui qui a été longtemps protégé par Vladimir Poutine va au bout de sa logique. Elle l’a conduit depuis des mois à multiplier les imprécations contre les cadres militaires, à commencer par le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, au nom d’un supposé discours de vérité, qui masque très mal une aventure personnelle.


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Quel qu’en soit son épilogue, ce coup de force fait l’effet d’un révélateur dévastateur sur l’état de ce qu’on hésite plus que jamais à désigner comme les institutions de la Russie. Le contraste est saisissant avec l’affermissement national dans l’épreuve constaté chaque jour en Ukraine.


Un an et demi après une invasion censée décapiter en trois jours l’Etat ukrainien pour imposer la férule russe sur Kiev, les blindés du maître du Kremlin patrouillent dans Moscou pendant que la confusion règne sur le sort de villes qu’Evgueni Prigojine tente de faire passer sous son contrôle. L’ouverture d’un second front est rarement prônée par les manuels militaires lorsque le premier, actuellement théâtre d’une délicate contre-offensive ukrainienne, est encore bien loin d’avoir été stabilisé. Que dire lorsque ce second front est intérieur, le redouté service de sécurité russe, le FSB, étant officiellement mandaté pour arrêter les responsables de cette force auxiliaire afin de les traduire devant la justice, et que volent de part et d’autre les accusations de trahison…


Remise en cause du récit officiel

Dans les diatribes qui ont ponctué la rébellion toujours en cours samedi matin, le patron de Wagner ne s’est pas contenté de répéter ses accusations contre l’incompétence, la corruption dont il est un expert, et la prévarication qui règnent en maître au sein de l’armée russe. Il a prononcé une réfutation brutale des arguments ressassés depuis des mois pour justifier une « opération spéciale » devenue guerre d’usure qui a déjà broyé des dizaines de milliers de vies et multiplié les destructions. Non, a-t-il assuré, l’invasion de l’Ukraine n’était pas devenue un impératif national. Les intérêts en jeu, a-t-il martelé, n’étaient pas ceux de la Russie, mais ceux de profiteurs de guerre.


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Cette réfutation est stupéfiante tant elle remet en cause frontalement le récit devenu obsessionnel construit par Vladimir Poutine. La mise en cause d’un entourage qui aurait berné ce dernier ne peut tromper personne. Le coup de force d’Evgueni Prigojine vise bel et bien le maître du Kremlin, qui a dénoncé « un coup de poignard dans le dos », soit incompétent, soit complice.


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Quel qu’en soit le devenir, il devrait convaincre les pays restés proches de la Russie en dépit de sa violation des frontières et de la souveraineté ukrainienne, et des atrocités perpétrées par ses troupes, à commencer par la Chine, de faire jouer leur influence pour que la guerre s’achève au plus vite. Après avoir mis à nu l’état véritable de l’armée russe, présentée à tort jusqu’au 24 février 2022 comme le symbole d’une puissance retrouvée, cette guerre met en évidence aujourd’hui la réalité d’un Etat réduit à la compétition mortifère de factions. Ces pays n’ont rien à gagner à ce que la Russie s’enfonce toujours plus dans ce délitement lourd d’incertitudes.


Le Monde

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