« Quoi qu’il en coûte » : une doctrine de crise au sommet de l’Etat

Depuis mars, l’épidémie de Covid-19 a amené le gouvernement à opérer sa « révolution mentale » sur les questions économiques.

Par  et 

Publié aujourd’hui à 05h56, mis à jour à 06h21 

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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, ministre de l’économie, à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 28 août.

Bruno Le Maire arrête soudain de mâcher sa viande de « baby camel ». C’est sec, pas bon. Son voisin de table, le ministre de l’économie saoudien, Mohammed Al-Jadaan, vient de lui apprendre que l’étrange épidémie due à un coronavirus dont on parle depuis quelques semaines en Chine a connu un précédent au Moyen-Orient, en 2013. Le dromadaire était alors incriminé, pas le pangolin. On appelait ça le « syndrome respiratoire du Moyen Orient ». « It’s the camels, Bruno ! [« Ce sont les dromadaires, Bruno »] », répète Al-Jadaan.

Bruno Le Maire déglutit. En ce 22 février, le ministre de l’économie français se trouve à Riyad pour un G20 finances avec ses homologues du monde entier. Le SARS-CoV-2 n’est pas inscrit à l’ordre du jour, mais il est de toutes les conversations. Les Chinois, confinés chez eux tels les Marseillais lors de la peste de 1720, sont absents. Les Italiens, nerveux, commencent à recenser quelques cas en Lombardie. Mais les experts économiques ne s’affolent pas encore. « Après des signes de stabilisation à la fin de 2019, la croissance économique mondiale devrait reprendre en 2020 et 2021 », écrivent dans leur communiqué final les vingt grands argentiers, qui évoquent tout de même le risque de « la récente flambée de Covid-19 », à surveiller. Personne ne veut allumer la mèche qui déclencherait un krach boursier.

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Bruno Le Maire sait de longue date que l’hypothèse d’une pandémie meurtrière menace les sociétés contemporaines. Son « ami » Bill Gates, le fondateur de Microsoft, le lui répète depuis des années. « Les épidémies que nous pensions disparues reviennent en force par l’Afrique et par l’Asie. Des spécialistes nous avertissent que le développement de nouveaux virus dans les Pouilles, en Corse, en Sardaigne, mérite d’être surveillé de près. On se croirait au temps de la peste », écrit Le Maire, en 2008, dans son livre Des hommes d’Etat (Grasset).

Le 24 février, il s’arrête sur le chemin du retour à Athènes pour rencontrer son homologue grec. Les nouvelles ne sont pas bonnes. La Chine est devenue une forteresse assiégée ; sa faiblesse met à nu la dépendance de l’industrie française à l’égard de l’empire du Milieu. Le coronavirus est un « game changer », pense alors Bruno Le Maire. Un événement à même de bouleverser la donne de la mondialisation. Rien de plus ?

Le « mur de l’argent » à terre

A Paris, l’exécutif regarde avec un rien de distance les images d’hôpitaux saturés et de corbillards qui défilent de l’autre côté des Alpes, chez le voisin italien. Le gouvernement croit pouvoir contrôler la circulation du virus. Mais la partie est déjà perdue. Le 12 mars, le conseil scientifique prévient Emmanuel Macron : si rien n’est fait, la France comptera au bas mot 300 000 morts.

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