Commentary on Political Economy

Saturday 19 February 2022

WESTERN ELITES ARE SELLING OUT OUR FREEDOM. WE MUST STOP THEM NOW!

 Les ingérences étrangères de plus en plus prononcées dans l’UE

Un rapport cinglant décrit les stratégies des régimes autoritaires, Russie en tête, pour biaiser le débat démocratique en Europe

BRUXELLES - bureau européen

François Fillon, pour sa nomination au conseil du groupe pétrolier russe Zaroubejneft, Jean-Pierre Raffarin parce qu’il « promeut activement les intérêts chinois en France », Jean-Marie Le Guen car il a intégré le conseil de Huawei France : ces personnalités françaises, anciens responsables politiques, sont citées dans le rapport déposé fin janvier par l’INGE, la commission spéciale du Parlement européen sur les ingérences étrangères, constituée en juin 2020.

Ils ne sont pas les seuls à être mentionnés dans ce volumineux document qui sera discuté en séance plénière au mois de mars. Ils illustrent « l’accaparement des élites » auquel procèdent la Russie et la Chine, tout comme l’Arabie saoudite ou le Qatar, afin de défendre leurs intérêts et partager les réseaux de ces personnalités « au détriment des citoyens de l’Union européenne et des Etats membres ».

D’autres ex-responsables de premier plan sont cités dans ce rapport cinglant. L’ex-chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder et l’ancien premier ministre finlandais Paavo Lipponen, qui ont rejoint Gazprom et œuvré pour la réalisation des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ; l’ex-premier ministre belge Yves Leterme, codirecteur du fonds d’investissement chinois ToJoy ; l’ancien commissaire européen à l’élargissement, le Tchèque Stefan Füle, qui a travaillé pour le conglomérat CEFC China Energy ; l’ex-ministre autrichienne des affaires étrangères Karin Kneissl, embauchée par le pétrolier russe Rosneft, etc.

Stratégie multiforme

Tous s’en défendront, mais ils participent, selon le rapport, à la stratégie multiforme développée par des régimes dictatoriaux pour polluer le débat démocratique européen, répandre et faire partager leurs idées ainsi que favoriser la polarisation des opinions publiques, avec l’objectif commun de créer « un effet disruptif » dans les sociétés occidentales. A leur profit.

Désinformation, manipulation des réseaux sociaux, espionnage, harcèlement de journalistes et de chercheurs, attaques cyber ou investissements dans des secteurs stratégiques et des infrastructures critiques, etc. : ces autres modes d’action des acteurs étatiques, ou de groupes qui leur sont liés, pourraient finir par déstabiliser une démocratie européenne mal préparée, qui dispose de peu d’outils de prévention et dont les dirigeants n’ont, pour la plupart, aucune conscience du danger, jugent les auteurs.

La Russie est particulièrement ciblée, elle qui est intervenue dans les processus électoraux américain, français et britannique au moment du Brexit, relèvent les députés. Ils plaident d’ailleurs pour des enquêtes plus approfondies sur ces épisodes. Moscou finance aussi « des partis populistes, extrémistes et anti-européens en France, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie ». Avec l’objectif de « légitimer ses positions, réduire son isolement, obtenir la levée des sanctions ». Moscou a d’ailleurs assumé une bonne part des 300 millions de dollars (265 millions d’euros) qui auraient servi au financement d’acteurs politiques dans 33 pays, pas seulement européens. Un montant sans doute largement sous-évalué, compte tenu de la corruption et du blanchiment d’argent évoqués par diverses sources qui étudient les mécanismes de l’influence étrangère en Europe.

155 recommandations

Les médias de RT et Sputnik, contrôlés par l’Etat russe, sont aussi pointés du doigt par la commission INGE, alors que l’organisation Alliance for Securing Democracy, hébergée par le German Marshall Fund, vient de lancer un « tableau de l’élection française 2022 » qui confirme leur influence : le premier volet de l’étude souligne notamment que les éléments de langage russes autour de l’Ukraine se sont immiscés dans le débat public en France et que RT France compte désormais sur Facebook un nombre d’abonnés comparable à celui de CNews ou de France Inter. « Depuis un an, la chaîne fait partie des vingt pages médias s’adressant à un public en France et recevant le plus d’interactions sur Facebook », relèvent les experts.

La Chine n’est pas en reste pour les stratégies de désinformation et d’influence, au travers, notamment, de ses deux cents instituts Confucius. « Plates-formes de lobbying pour les intérêts économiques, le renseignement, le recrutement d’agents et d’espions », selon le rapport, ces centres sont au cœur d’une démarche qui consiste aussi à nouer des rapports de plus en plus étroits avec de nombreuses universités européennes.

Le régime d’Ankara, lui, est surtout accusé de manipuler les communautés turques vivant en Europe pour qu’elles servent de relais aux positions du pouvoir islamiste conservateur et pèsent sur les scrutins dans les pays d’accueil. Le rapport mentionne aussi les menaces exercées notamment sur des journalistes et cite le cas de l’opposant en exil Erk Acarer, attaqué à Berlin en juillet 2021.

La commission parlementaire ne met pas seulement en cause des Etats. Elle s’en prend aussi aux géants du Web, accusés de vouloir engranger un profit maximal en n’exerçant pas des contrôles suffisants sur les contenus. Ils usent, en outre, d’algorithmes qui ne font qu’accentuer la polarisation des débats et n’opèrent aucune distinction entre informations crédibles et « fake news ».

Le rapport formule pas moins de 155 recommandations à destination d’institutions européennes appelées à défendre le système démocratique, les droits des citoyens et des infrastructures majeures. Il s’agit, soulignent les eurodéputés, d’un réel impératif de sécurité, qui suppose un soutien accru à des médias indépendants et aux organisations de la société civile défendant les droits humains et les minorités. Mais la mise en œuvre de ses recommandations dépendra en grande partie d’une prise de conscience, qui, à travers l’Europe, est loin d’être générale.

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