Commentary on Political Economy

Saturday 8 January 2022

 « La priorité pour les démocraties demeure d’évaluer au plus juste la réalité des menaces chinoise et russe »

Tribune. Alors que la pandémie due au Covid-19 fait toujours rage, les bruits de bottes augmentent, en Asie comme en Europe. Depuis plusieurs mois, la Chine et la Russie jouent les provocations. Moscou amasse des troupes aux frontières de l’Ukraine. Les forces aériennes chinoises ont effectué près de deux cents sorties au large de Taïwan depuis le mois d’octobre 2021, dans la zone d’identification de défense aérienne (ZIDA) de l’île, qu’il ne faut pas confondre avec son espace aérien.


Les deux puissances multiplient les déclarations agressives contre l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), contre l’Occident et contre les « ingérences extérieures ». Mais, derrière ce paravent de menaces, il est essentiel de bien évaluer, pour mieux y répondre d’une manière coordonnée, la nature de ces menaces.


La Russie et la Chine partagent en partie une même culture stratégique asymétrique et léniniste. L’objectif n’est pas d’affronter l’adversaire frontalement, mais de le dissuader d’agir, de l’impressionner et de le diviser. Multiplier les tensions, donner l’impression qu’on est au bord de l’affrontement, pour obtenir des concessions au moindre retrait apparent fait partie de la panoplie de la guerre hybride exploitée à Moscou comme à Pékin.


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Dans le même temps, en encourageant les critiques à l’égard des puissances qui ne seraient pas assez fermes face à la Chine selon les critères définis à Washington, les Etats-Unis favorisent les stratégies de division mises en place par Pékin. L’Union européenne (UE) est de plus en plus consciente du danger que représente la République populaire de Chine (RPC) pour les équilibres stratégiques dans le monde. Dénoncer son refus de traiter la Chine exclusivement en adversaire militaire ne peut que renforcer la méfiance à l’égard d’une superpuissance américaine qui, de son côté, n’hésite pas à dialoguer avec les puissances autocratiques.


Autonomie stratégique

Le concept d’autonomie stratégique a été beaucoup critiqué par les Etats-Unis et leurs alliés les plus proches, comme inutile et contreproductif, la puissance américaine étant seule en capacité d’agir. Pourtant, si les moyens sont modestes, les stratégies indo-pacifiques de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas et enfin de l’UE sont là pour démontrer que la prise de conscience est réelle et que l’autonomie stratégique signifie, non pas une faiblesse à l’égard des autocraties russe et chinoise, mais la capacité de prendre en compte les intérêts de l’Europe, quelles que soient les orientations futures d’une puissance américaine parfois erratique.


De leur côté, pour le moment, la Russie et la Chine gesticulent mais ne franchissent pas certaines limites. Pékin ne s’aventure pas au-delà des marges les plus éloignées de la ZIDA de Taïwan, et la Russie de Vladimir Poutine n’a pas franchi de nouvelle ligne rouge. Le risque, en exagérant la menace chinoise, en la faisant paraître plus immédiate qu’elle n’est en réalité, en oubliant les faiblesses considérables du régime, c’est aussi de renforcer l’aventurisme de ceux qui à Pékin sont persuadés que leur heure est venue et que les Etats-Unis n’oseront plus s’opposer aux ambitions irrédentistes de la Chine.

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