Commentary on Political Economy

Tuesday 8 February 2022

 THE HORROR OF RATLAND


La vidéo d’une « femme esclave » bouleverse la Chine

Extrait de la vidéo montrant une « femme esclave » chinoise enchaînée à un mur et postée sur les réseaux sociaux le 28 janvier 2022.

Extrait de la vidéo montrant une « femme esclave » chinoise enchaînée à un mur et postée sur les réseaux sociaux le 28 janvier 2022. TWITTER

LETTRE DE PÉKIN


Alors que le monde se passionne pour Peng Shuai, cette joueuse de tennis chinoise qui semble privée de sa liberté depuis qu’elle a dénoncé les violences sexuelles qu’elle aurait subies de la part d’un dirigeant du régime, c’est une autre histoire de femme qui scandalise actuellement la Chine : celle d’une mère de huit enfants, vivant enchaînée.


Tout est parti d’une vidéo postée par un blogueur sur les réseaux sociaux, le 28 janvier. Tournée dans le comté de Feng, un village dépendant de la ville de Xuzhou (province du Jiangsu), elle montre une femme enchaînée à un mur dans un hangar ouvert sur l’extérieur. Elle a perdu de nombreuses dents et, à proximité, sa nourriture est gelée. Elle semble folle et, selon la vidéo, est mère de huit enfants, âgés de 2 à 23 ans.


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Initialement, le blogueur se voulait positif et pensait illustrer le courage d’un mari modeste qui s’occupe bien de ses enfants – et de sa propre mère – malgré la folie de son épouse. L’homme a d’ailleurs reçu un certain nombre d’aides locales et, depuis la fin janvier, n’a pas hésité à mettre sa soudaine notoriété à profit pour faire la promotion d’entreprises organisant des mariages.


Mais très vite, les réseaux sociaux s’emparent de l’affaire. Qui est cette femme ? D’où vient-elle ? Que font les autorités locales ? Comment le couple a-t-il pu avoir huit enfants, malgré la politique de l’enfant unique alors en vigueur, et qui n’a été abolie qu’en 2015 ? Beaucoup soupçonnent le mari d’avoir acheté son épouse et de l’avoir rendue folle. En une semaine, le sujet attire plus de deux milliards de vues.


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L’affaire est loin d’être unique. Un internaute affirme que, à Xuzhou, ville de 9 millions d’habitants composée de nombreuses zones villageoises, pas moins de 48 100 femmes auraient été achetées par les paysans dans les années 1980. D’autres affaires comparables refont surface, notamment le cas d’une femme du Sichuan achetée puis enfermée pendant quinze ans par deux frères, en Mongolie intérieure. En 2007, un film, Blind Mountain, réalisé par Li Yang, dénonçait ce phénomène.


« Ne pas ternir les Jeux olympiques »

Au début, les autorités ont expliqué que la femme de la vidéo était une vagabonde et que son mari l’avait épousée en 1998. Les internautes n’ont pas été convaincus, car, très souvent, les autorités régularisent a posteriori une union forcée. « En Californie, un homme a été condamné à quatre cents ans de prison pour avoir enlevé une fillette et lui avoir fait deux enfants. En Chine, il reçoit de l’argent », notent des commentateurs anonymes sur la Toile.


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Les autorités centrales ont rapidement compris qu’au moment où se déroulent les Jeux olympiques (JO) une telle affaire pouvait prendre des proportions internationales. Lundi 7 février, elles ont commencé à éteindre l’incendie. Hu Xijin, éditorialiste du Global Times, a publié un blog reconnaissant que la vente de femmes est « fréquente dans certaines localités » et appelant implicitement les autorités à ne pas cacher la vérité. « Cette affaire ne doit pas ternir la réussite des JO. La Chine est un pays en voie de développement, avec une réalité complexe. Nous émerveillons le monde avec la cérémonie d’ouverture des JO, nous avons le plus grand réseau mondial de trains rapides, mais, en même temps, nous avons encore des endroits arriérés. Cette sale affaire [de Feng] démontre cette complexité. »


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Dans la soirée, la télévision CCTV a présenté un reportage expliquant que les autorités avaient fini par identifier cette femme. Xiao Huamei serait originaire du Yunnan, dans le sud-ouest du pays. Mariée une première fois, elle aurait divorcé en 1996. Déjà atteinte de troubles mentaux, elle aurait été emmenée dans le Jiangsu pour y être soignée par une femme à qui elle aurait faussé compagnie. Alors que plusieurs milliers de kilomètres séparent le Yunnan du Jiangsu, cette version est loin de répondre à toutes les questions. Beaucoup d’internautes sont convaincus que cette mystérieuse « accompagnatrice » fait partie de réseaux mafieux.

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