Commentary on Political Economy

Tuesday 19 September 2023

 



« Le Haut-Karabakh arménien, qui représente ce que nous prétendons incarner, mérite mieux qu’un regard oublieux »

L’exécutif doit entendre les appels des parlementaires en faveur d’un soutien opérationnel à destination du territoire, affirment les sénateurs Gilbert-Luc Devinaz et Pierre Ouzoulias dans une tribune au « Monde » cosignée par cinquante-neuf élus socialistes, communistes ou écologistes.

Publié le 27 juillet 2023 à 11h00 Temps de Lecture 2 min.

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En ces temps troublés où s’accroissent les désordres du monde, la république du Haut-Karabakh s’efforce encore non seulement de survivre, mais d’incarner au Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie) les valeurs démocratiques que nous entendons comme les nôtres. Pourtant, nous ne bougeons pas ; pourtant, nous ne l’aidons pas face aux tentatives d’épuration ethnique qu’elle subit de la part de l’Azerbaïdjan. A chaque soubresaut de l’actualité mondiale, l’affaire Prigojine étant un exemple récent, le dictateur azerbaïdjanais Ilham Aliev profite de nos yeux détournés comme de notre coupable indifférence pour accroître un peu plus son emprise létale sur ce territoire arménien.

Ainsi, depuis le 15 juin, abandonnant définitivement la fable de la libre circulation sur le corridor de Latchine, qui relie le Haut-Karabakh et l’Arménie, et renforçant le blocus qui perdure depuis le 12 décembre 2022, Ilham Aliev a fait installer des blocs de béton qui coupent définitivement toute communication.

Un « nouveau mur de Berlin » dans cette Europe élargie qui promet la mort par famine aux cent vingt mille habitants du Haut-Karabakh. Devons-nous encore répéter, à l’instar de nos collègues Les Républicains, que les menées de Bakou [capitale de l’Azerbaïdjan] contreviennent aux principes les plus élémentaires du droit international ? Devons-nous encore rappeler que l’Azerbaïdjan viole tous les jours ses propres engagements et les termes du cessez-le-feu de novembre 2020 ?

Engager des sanctions

Devons-nous encore affirmer que cet Etat voyou se place au ban de la communauté internationale en se moquant de l’ordonnance du 22 février 2023 de la Cour internationale de justice lui intimant de restaurer immédiatement la libre circulation entre l’Arménie et le Haut-Karabakh ? Devons-nous enfin souligner que l’exécutif dispose d’un mandat clair pour agir, à travers les résolutions adoptées par le Sénat le 15 novembre 2022 et par l’Assemblée nationale le 30 novembre 2022, lui donnant toute latitude pour engager des sanctions économiques et politiques contre le régime de Bakou et apporter un soutien opérationnel déterminant aux Arméniens agressés ?

L’actualité montre que la France sait sanctionner qui elle veut quand elle le veut, même la puissante Russie. L’actualité montre que nous savons aussi déployer nos forces aux confins de la Moldavie. Ne pas entendre nos appels réitérés en faveur du Haut-Karabakh, ne pas mobiliser à son égard les moyens que nous engageons par ailleurs, c’est être complice de l’Azerbaïdjan.

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Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé que le résistant d’origine arménienne Missak Manouchian fera son entrée au Panthéon le 21 février 2024, quatre-vingts ans après son exécution. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision qui consacre à travers lui l’engagement de ces centaines d’apatrides et de réprouvés – Arméniens, juifs, républicains espagnols, antifascistes italiens et tant d’autres – au service des valeurs de liberté, d’humanité, de fraternité qui sont celles de la République. Mais cette juste reconnaissance ne doit pas se muer en pantalonnade, en servant de paravent à l’abandon des Arméniens face à l’actuel régime autoritaire et autocratique azerbaïdjanais.

Coexister en paix

Car le Haut-Karabakh arménien est au bord de l’extinction. Ce Haut-Karabakh, qui représente au Caucase du Sud ce que nous prétendons incarner, mérite mieux qu’un regard oublieux. Il mérite tout simplement que l’on fasse respecter le droit de ses citoyens à disposer d’eux-mêmes. Il justifie le rôle et l’action de la France dans la région, fonde la légitimité de notre pays à agir et ne peut en aucun cas être remis en cause par des faits d’occupation établis par la force.

Dans sa célèbre lettre d’adieu à son épouse, Mélinée, Missak Manouchian écrivait : « Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre, qui ne durera plus longtemps. »

Nous demandons à Emmanuel Macron de sanctionner Ilham Aliev et sa clique, sans haine contre son peuple, afin que les Arméniens et les Azerbaïdjanais puissent enfin coexister en paix et en fraternité dans ce Caucase du Sud où ils vivent en partage.

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