Commentary on Political Economy

Saturday 17 February 2024

 

L’assassinat d’Alexeï Navalny

Il ne faut pas se faire d’illusions quant à l’enquête qui sera menée sur les raisons de la mort de Navalny, subitement « tombé malade » à l’issue de la promenade, selon les responsables de la colonie pénitentiaire. Le fait que la nouvelle ait été livrée aux médias russes sans même que la famille ou les avocats en soient informés traduit bien la nature du message que veut transmettre sa disparition, y compris aux dirigeants occidentaux rassemblés au même moment à Munich pour discuter défense et sécurité : Vladimir Poutine est maître chez lui et il entend le rester, quelles que soient les icônes que se donnent ses détracteurs.

Les dirigeants occidentaux ne s’y sont pas trompés, attribuant directement la responsabilité de la mort du prisonnier à Vladimir Poutine. C’est bien en effet le régime répressif construit depuis maintenant près d’un quart de siècle par l’ancien officier du KGB devenu président à quasi-perpétuité qui a mis fin au défi posé par Alexeï Navalny au système autoritaire russe. En rentrant volontairement dans son pays, le 17 janvier 2021, après avoir survécu par miracle à un empoisonnement destiné à le tuer, Navalny avait commis l’acte suprême d’opposition, un acte d’un courage insensé : refuser le bannissement de l’exil et continuer d’exister politiquement, même derrière des barreaux, même lorsque les condamnations s’accumulaient, allongeant perpétuellement sa peine, même dans une prison de l’Arctique où il avait été relégué à 2 000 km de Moscou.

Une Russie de plus en plus ouvertement provocatrice

Mais Vladimir Poutine ne connaît qu’une façon de traiter ceux qui s’opposent à lui, qu’ils soient démocrates, comme Anna PolitkovskaïaBoris Nemtsov et Alexeï Navalny, ou mafieux, comme le chef des milices Wagner, Evgueni Prigojine : la mort. L’abîme moral dans lequel il plonge la Russie s’illustre à une plus grande échelle dans le pays dans lequel il sème aussi la mort, l’Ukraine, qu’il a plongée dans la guerre depuis maintenant deux années après avoir commencé à l’agresser il y a dix ans.

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En 2021, lorsque Alexeï Navalny avait été de nouveau jeté en prison, le président Joe Biden avait averti Moscou que sa mort en détention entraînerait des « conséquences dévastatrices ». Nous y sommes. Les circonstances de la mort de cet adversaire admirablement obstiné du système Poutine, au moment où Moscou s’installe dans la guerre en Ukraine dans la durée et renforce sa posture agressive à l’égard de ses voisins européens, obligent les dirigeants occidentaux à se poser lucidement la question de leur gestion d’une Russie de plus en plus ouvertement hostile et provocatrice. Renoncer à le faire serait, véritablement, dévastateur.

Le Monde

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