Commentary on Political Economy

Wednesday 21 February 2024

 

Le Japon pose ses jalons pour la reconstruction de l’Ukraine

Le premier ministre ukrainien Denys Chmyhal rencontre son homologue japonais Fumio Kishida dans le cadre de la Conférence Japon-Ukraine  à Tokyo, le 19 février 2024.
Le premier ministre ukrainien Denys Chmyhal rencontre son homologue japonais Fumio Kishida dans le cadre de la Conférence Japon-Ukraine à Tokyo, le 19 février 2024. ISSEI KATO / AFP

Alors que le Congrès américain se déchire sur un nouveau plan de soutien à l’Ukraine et que l’inquiétude plane sur l’appui occidental fourni à Kiev deux ans après le déclenchement de l’invasion russe, le Japon mobilise ses entreprises. Ses règles lui interdisent l’exportation de matériel de guerre létal, mais pas le soutien économique.

Cinquante-six documents ont été signés les 20 et 21 février, en marge de la Conférence de promotion de la croissance économique et de reconstruction de l’Ukraine, une réunion bilatérale organisée par Tokyo au siège du Keidanren, la puissante organisation patronale nippone. Les mesures annoncées incluent un assouplissement des visas pour les ressortissants ukrainiens, l’ouverture à Kiev d’une antenne de l’Organisation du commerce extérieur (JETRO) et une enveloppe de 15,8 milliards de yens (98 millions d’euros) pour l’aide au déminage et aux secteurs de l’énergie et des transports.

La reconstruction de l’Ukraine, estimée par la Banque mondiale à 452,8 milliards d’euros sur dix ans, attire. La contribution japonaise « n’est pas seulement un investissement pour l’avenir de l’Ukraine, mais aussi un investissement pour le Japon et le monde entier », a souligné le premier ministre, Fumio Kishida, qui s’exprimait devant un parterre de représentants des secteurs public et privé.

Lire aussi |
Article réservé à nos abonnés

M. Kishida souhaite voir l’Ukraine « parvenir à un développement économique complet, du secteur primaire au secteur tertiaire, dans l’agriculture, l’industrie manufacturière ou encore les technologies de l’information »« Nous voulons que vous soyez tous partie prenante du miracle économique ukrainien », a souligné son homologue ukrainien, Denys Chmyhal, qui était accompagné d’une centaine d’hommes d’affaires.

Nouvelles technologies

La rencontre a suscité une petite mobilisation de mouvements d’extrême gauche, comme le syndicat étudiant Zengakuren, fustigeant une « conférence pour la guerre ». Cette opposition n’a toutefois pas perturbé les débats qui confirment l’engagement du Japon à soutenir l’Ukraine depuis le début du conflit. Outre des sanctions contre la Russie, Tokyo a fourni du matériel militaire non létal, des casques, des gilets pare-balles et une centaine de véhicules. L’Archipel s’est ouvert aux réfugiés ukrainiens en assouplissant les règles du droit d’asile les concernant.

Le Monde Application

En dehors des maisons de commerce, les entreprises japonaises n’étaient guère présentes en Ukraine avant le conflit. Depuis l’offensive russe, encouragées par le gouvernement, plusieurs compagnies se mobilisent dans les nouvelles technologies, l’agriculture ou les infrastructures. Le géant des télécommunications Rakuten va développer un réseau Open RAN, qui permet aux opérateurs d’accéder à des systèmes ouverts de différents fournisseurs. Komaihaltec, spécialisée dans les énergies renouvelables, projette de coopérer dans l’éolien avec la compagnie ukrainienne du gaz, Naftogaz. IHI veut construire des ponts, et Nippon Koei cible les infrastructures ferroviaires.

« Le Japon adresse un message de détermination et d’unité. C’est important. Pour lui, investir en Ukraine, c’est aussi investir dans un futur pays de l’Union européenne, qui se transforme rapidement, notamment au niveau de la transparence, essentielle pour les entreprises », explique Pierre Heilbronn, envoyé spécial de la France pour l’aide et la reconstruction de l’Ukraine, qui a assisté à la conférence de Tokyo.

Le volontarisme nippon est aussi à rapprocher de celui de son voisin sud-coréen. En septembre 2023, le ministre des infrastructures, Won Hee-ryong, a fait le déplacement à Kiev en compagnie de cadres des principaux conglomérats, Samsung, Hyundai et Hanwha, ainsi que les groupes publics du ferroviaire, de l’aviation et de la gestion de l’eau. Ambitieux dans les batteries, Séoul est très intéressé par l’extraction du lithium, une ressource abondante en Ukraine.

No comments:

Post a Comment