Commentary on Political Economy

Tuesday 1 September 2020

PRAISE FOR CZECHIA AND USA

 

Vives tensions sino-américaines dans le détroit de Taïwan

Face à l’irrédentisme chinois, les Etats-Unis multiplient les gestes de soutien à l’île, dont la création d’un centre de maintenance des F-16

PÉKIN- correspondant

Deux mois après l’adoption de la loi sur la sécurité nationale à Hongkong, Taïwan se sent de plus en plus menacée par la Chine et se retourne donc vers les Etats-Unis, provoquant de vives tensions avec Pékin. C’est le parfait cercle vicieux. Le mot « guerre » commence à faire son apparition des deux côtés du détroit qui sépare la Chine continentale de cette île que Pékin considère comme une « province inséparable ».

Jeudi 27 août, intervenant par vidéo à un colloque d’un centre de réflexion australien, la présidente Tsai Ing-wen, réélue en janvier, a expliqué qu’« après Hongkong Taïwan est de plus en plus aux avant-postes de la liberté et de la démocratie ». Elle estime que Taïwan doit renforcer sa défense parce que « nous savons que, dans la situation présente, la force peut être corrélée avec la dissuasion ». Taïpei et Washington viennent d’annoncer la création sur l’île d’un centre de maintenance des F-16 américains. Le seul en Asie orientale.

Alors que les risques d’escalade militaire se multiplient, les Etats-Unis ont déclassifié, lundi 31 août, des documents précisant les « Six Assurances » accordées par le président Ronald Reagan à Taïwan en 1982. Pour ce dernier, « la volonté des Etats-Unis de réduire ses ventes d’armes à Taïwan est entièrement conditionnée à l’engagement continu de la Chine en faveur d’une solution pacifique des différences Taïwan-République populaire de Chine ». Explicitant ce document, David Stilwell, le plus haut responsable américain du département d’Etat pour l’Asie de l’Est, a précisé lundi : « Nous continuerons d’aider Taïwan à résister à la campagne du Parti communiste chinois pour faire pression sur elle, l’intimider et la marginaliser. »

Mardi 1er septembre, le quotidien chinois Global Times affirme, sur la base de données d’un centre de recherche chinois, le South China Sea Strategic Situation Probing Initiative (SCSPI), que, dimanche, un avion de reconnaissance militaire américain a « possiblement décollé » de Taïwan pour se rendre au Japon. Une information démentie par Taïwan. Ce journal, qui dépend du Parti communiste, « suggère »à Pékin de déclarer que l’espace aérien au-dessus de Taïwan est une « zone de patrouille » de l’armée chinoise qui pourra y effectuer des missions. Selon un rapport officiel du ministère de la défense de Taïwan, présenté le 31 août au Parlement, la Chine continentale n’a toutefois pas encore les moyens d’engager une guerre contre Taïwan.

« Diplomatie du masque »

Outre les questions de défense, la diplomatie de Taïwan irrite également Pékin. « L’espace international de Taïwan n’a cessé de se réduire depuis [la visite de Nixon à Pékin en] 1972. Pour la première fois, en raison de la politique chinoise de Donald Trump et de la crise due au Covid-19, Taïwan a un espace qui s’entrouvre et Tsai [Ing-wen, la présidente taïwanaise] saisit toutes les occasions », note Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne.

Comme la Chine continentale, Taïwan a mené, en début d’année, une « diplomatie du masque », envoyant 10 millions de masques à l’étranger, dont 5,6 millions en Europe. Sa remarquable gestion du Covid-19 avait par ailleurs amené de nombreux pays, dont les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Union européenne, à souhaiter que Taïwan participe à l’Assemblée mondiale de la santé en mai, ce que la Chine a refusé.

Mi-août, la visite de trois jours à Taïwan du secrétaire américain à la santé, Alex Azar, a une nouvelle fois provoqué la colère de Pékin. Jamais un responsable américain de ce niveau ne s’était rendu à Taïwan depuis 1979, date à partir de laquelle les Etats-Unis ont reconnu la République populaire de Chine comme « seul gouvernement légal de Chine ». Mais les enjeux de ce voyage étaient essentiellement sanitaires et Pékin a compris le message. Tout en dénonçant la « provocation » que constituait cette visite officielle, le quotidien officiel chinois China Daily a expliqué que ce déplacement était « plus symbolique que substantiel ». Tout autre aurait été une visite du secrétaire d’Etat Mike Pompeo ou de Mark Esper, le secrétaire à la défense.

Alors que la Chine tente d’isoler Taïwan en la privant de la quinzaine d’alliés diplomatiques qui lui reste, Taïwan fait feu de tout bois. En août, Taïwan a ouvert un « bureau de représentation » à Hargeisa, la capitale du Somaliland, un territoire également non reconnu comme Etat par la communauté internationale et qui a résisté aux pressions de Pékin. Le Somaliland doit lui aussi inaugurer un bureau à Taïwan à l’automne.

La visite jusqu’au vendredi 4 septembre du président du Sénat tchèque, Milos Vystrcil, à Taïwan constitue un nouveau revers pour Pékin. Ces visites sont rarissimes, même si, en mai 2019, le président du Sénat de Belgique, Jacques Brotchi, avait également été reçu par la présidente Tsai.

Pour Frank Muyard, maître de conférences à l’Université nationale centrale, à Taïwan, il n’y a pas de tournant dans la diplomatie taïwanaise. « Ce que l’on observe cette année est le résultat du travail mené par la présidente Tsai et son ministre des affaires étrangères, Joseph Wu, lors du premier mandat. Ils ont cherché à développer les relations diplomatiques et économiques avec les démocraties. La présidente Tsai Ing-wen, depuis quatre ans, a su gagner la confiance des Etats-Unis et la gestion du Covid-19 a donné une très bonne image de Taïwan à l’étranger. »

Vendredi 28 août, Tsai Ing-wen a levé les restrictions sanitaires qui bloquaient jusqu’à présent les importations de bœuf et de porc américain. Une démarche pas forcément populaire auprès de son électorat, mais qui ouvre la voie à la signature d’un accord de libre-échange bilatéral entre les Etats-Unis et Taïwan. Encore une pierre dans le jardin chinois.

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