Commentary on Political Economy

Saturday 2 April 2022

 

Guerre en Ukraine : entre la Chine et l’UE, le sommet du désaccord

Pékin est resté sourd, lors du sommet virtuel organisé vendredi, aux appels de l’Europe à ne pas contourner les sanctions à l’égard de la Russie. L’heure est venue pour les Européens de se préparer à une éventuelle coopération sino-russe.

Publié hier à 10h37, mis à jour à 00h02   Temps deLecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Les dirigeants de l’Union européenne voulaient tenter de tirer de leur sommet virtuel avec le président chinois, Xi Jinping, et le premier ministre, Li Keqiang, vendredi 1er avril, un engagement de la Chine à ne pas contourner les sanctions occidentales contre la Russie. Ils se sont heurtés à un mur. La Chine est restée sourde aux appels de l’Europe. Le temps des illusions, pour ceux qui en avaient encore sur l’attitude de Pékin, est clairement révolu.

La discussion, a indiqué la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui l’a conduite avec le président du Conseil européen, Charles Michel, a été « franche et ouverte », une façon diplomatique de dire qu’elle a été désagréable. Les deux parties ont échangé, a-t-elle souligné, « des points de vue clairement opposés ».

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Les communiqués hâtivement publiés par Pékin sur les entretiens ne laissent transparaître aucun élément de convergence autre que les habituelles formulations creuses sur les vertus du dialogue et de la paix. Le président Xi a reconnu que la situation en Ukraine était « profondément regrettable » – nul ne saurait le contredire sur ce point. La Chine, a renchéri M. Li, est contre la guerre, « chaude ou froide », contre la division du monde en blocs, et refuse de prendre parti. Pékin ne s’est engagé ni à user de son influence auprès de Moscou pour mettre un terme à la guerre, ni à ne pas aider la Russie à amortir le choc des sanctions occidentales.

« Amitié sans limites »

Ce refus chinois ne doit pas être une surprise. Trois semaines avant le début de l’offensive russe en Ukraine, le président Vladimir Poutine s’était rendu à Pékin et avait signé avec le président Xi une importante déclaration commune, scellant une « amitié sans limites ». Il paraît difficilement concevable qu’il n’ait pas mis à l’époque ses interlocuteurs chinois dans la confidence d’au moins une partie de ses intentions militaires sur l’Ukraine. Le fait que la guerre n’ait commencé qu’après la fin des Jeux olympiques d’hiver à Pékin n’est sans doute pas non plus dû au hasard. Enfin, deux jours avant le sommet UE-Chine, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a été reçu à Pékin par son homologue chinois, Wang Yi, qui l’a assuré que « la Chine souhaitait collaborer avec la Russie ». Puis il s’est rendu en Inde, où le gouvernement observe aussi une ligne très accommodante vis-à-vis de Moscou à propos de l’Ukraine.

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Pour les Européens, qui ont le mérite d’avoir, cette fois, fermement tenu leurs positions – y compris sur leur solidarité avec la Lituanie, cible de mesures de rétorsion de Pékin – et clairement exprimé leurs exigences face aux dirigeants chinois, l’heure du choix est venue. Ils doivent d’abord se préparer à tirer les conséquences d’une éventuelle coopération plus concrète de Pékin avec Moscou sur l’Ukraine : si la Chine aide la Russie à contourner les sanctions, a averti Ursula von der Leyen, cela aura un impact sur les investissements européens en Chine. Cet avertissement, sans doute audible à Pékin au moment où le pays traverse des turbulences économiques, ne doit pas rester sans effet. Mais l’effet sera également sensible sur les économies européennes.

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Ils doivent aussi se préparer à réévaluer leur stratégie dans l’Indo-Pacifique, notamment en misant davantage sur le Japon et la Corée du Sud, à la lumière de l’évolution des relations de la Chine et de l’Inde avec la Russie. L’onde de choc de la guerre en Ukraine n’épargnera pas cette région.

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