Guerre en Ukraine : en finir avec le gaz russe

Le volet des sanctions adopté le 6 mars par les Vingt-Sept a fait l’impasse d’un embargo sur le gaz russe. Pourtant, celui-ci paraît inévitable. Y renoncer serait un aveu de faiblesse qui annulerait le bénéfice des sanctions déjà prises.

Publié hier à 10h22, mis à jour hier à 11h33   Temps deLecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Pour l’Union européenne (UE), se passer du gaz russe n’est plus une option, mais une question de calendrier. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a déclaré, mercredi 6 avril, que « tôt ou tard » une décision devrait être prise. Tout l’enjeu consiste à ne pas la prendre trop tard. Malgré un cinquième paquet de sanctions adopté mercredi, dont un embargo sur les achats de charbon, les mains des Vingt-Sept tremblent encore pour abattre cette carte décisive. La poursuite de l’agression russe en Ukraine montre pourtant que le temps est désormais compté.

En continuant à acheter du gaz russe, les Européens financent à leur corps défendant la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine. Depuis le début du conflit, la facture énergétique des pays de l’UE payée à la Russie se monte à 35 milliards d’euros. A comparer à la valeur des armes livrées à Kiev, estimée par Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, à seulement 1 milliard d’euros.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Guerre en Ukraine : les Européens prêts à un embargo sur le charbon russe

Les Vingt-Sept ont adopté une stratégie de sanctions graduelles qui, malgré leur caractère massif et inédit, n’ont pas entamé la détermination du président russe. Bien au contraire. Les atrocités perpétrées par l’armée russe à Boutcha, au nord-ouest de Kiev, et l’intensification annoncée des combats dans le Donbass rendent inévitable le passage à un niveau supérieur de rétorsion.

Newsletter
« LA REVUE DU MONDE »
Chaque vendredi, les dix articles de la semaine qu'il ne fallait pas manquer.
S’inscrire

La mise en œuvre d’un embargo sur le gaz est complexe. Pour les Européens, c’est prendre le risque de rompre le front commun qu’ils ont su jusqu’à présent opposer. Tous ne présentent pas le même degré de dépendance à l’égard des importations en provenance de Russie. La France, du fait de son mix énergétique, aurait les moyens de s’en sortir sans trop en ressentir les effets, mais l’impact pour l’Allemagne, dont l’approvisionnement en gaz dépend à 55 % de la Russie, serait beaucoup plus lourd.

Lire aussi : Se priver de gaz russe serait « gérable » pour l’Union européenne, selon le Conseil d’analyse économique

Occasion d’accélérer la transition énergétique

Toute une partie de l’industrie européenne, faute d’alternative, ne peut pas se passer du gaz russe en quelques semaines. Il paraît difficile d’éviter des arrêts de production avec leur lot de chômage partiel et de suppressions d’emplois, sans compter un renchérissement des coûts à la fois pour les fabricants et les consommateurs.

Mais la poursuite de la guerre, au-delà du désastre humanitaire qu’elle provoque, a aussi un coût économique. Les Européens n’ont rien à gagner d’un enlisement du conflit qui va maintenir de fortes tensions sur les prix de l’énergie et entretenir une instabilité nuisible à la marche des affaires.

Les positions des Européens sont en train d’évoluer. Il y a quelques jours, la Lituanie a totalement arrêté d’importer du gaz russe. En Pologne, la décision sera effective d’ici à la fin de l’année. L’Italie, elle aussi très dépendante des importations russes, a fait savoir qu’elle ne mettrait pas son veto à un embargo européen sur l’énergie.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les pays baltes cherchent à se sevrer du gaz russe

Celui-ci doit être appréhendé comme une occasion pour accélérer une transition énergétique que l’Europe aurait eu à accomplir même sans la crise russe. De la même façon que l’UE a su trouver des mécanismes de solidarité pour affronter la pandémie, les Vingt-Sept doivent inventer ensemble les solutions pour que le sevrage au gaz russe soit le moins douloureux possible.

L’Europe a fait le choix justifié de ne pas devenir cobelligérante. Il ne lui reste que l’arme économique pour se faire respecter. L’utiliser dans les circonstances actuelles réclame des efforts dont les Vingt-Sept ont largement les moyens. Y renoncer serait un aveu de faiblesse qui annulerait le bénéfice des sanctions déjà prises et prolongerait la guerre. Il est temps d’en finir avec le gaz russe.